REPRISE UNE FEMME QUI CRIE
Mythique documentaire sur le monde ouvrier, Reprise ressort en salles dans une version restaurée. À l’origine de ce récit en forme d’enquête, le visage d’une femme en rage, devant les usines de piles Wonder à Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis), un jour de reprise au printemps 1968. Une révolte qui nous parle… pile cinquante ans après !
Obsession
« Non j’rentrerai pas ! J’mettrai plus les pieds dans cette taule ! » La scène se passe le 10 juin 1968, jour de la reprise du travail à l’usine Wonder de Saint-Ouen, après les grandes grèves de mai. Celle qui crie sa révolte est une jeune ouvrière, filmée à l’époque par des étudiants en cinéma. Son visage, son refus, sa détresse sont inoubliables. Vingt-sept ans après, le réalisateur Hervé Le Roux, découvrant ce court-métrage, est obsédé par elle et part à sa recherche.
Conversations
Reprise se présente donc d’abord comme une enquête. Avec l’image source de cette jeune ouvrière qui revient sans arrêt, histoire d’alimenter le suspense. Mais c’est surtout une fresque tissée de rencontres. De fait, Le Roux donne la parole, quelque trente ans après, à celles et ceux qui auraient pu connaître, alors, l’inconnue en colère. Des syndicalistes, un ancien lycéen gauchiste, des ouvrières : comme elle, ils·elles sont les oublié·es de la grande Histoire. Comme elle, ils·elles sont extraordinaires de présence ! Leurs témoignages, bouleversants, racontent comme rarement le monde du travail, avant Mai 68 et après…
Disparition
Après, c’est-à-dire, pour Wonder, le début de la mondialisation, puis le « sauvetage » de l’usine par Tapie, la revente à un groupe américain et la fermeture. Vie et mort de la classe ouvrière : voilà, au fond, ce que relatent Reprise et sa femme qui crie. Nul hasard si aujourd’hui, dans la France en grève d’Emmanuel Macron, l’une et l’autre résonnent toujours de façon saisissante.
Reprise, de Hervé Le Roux. Sortie le 30 mai.