Elles hurlent en silence
Elles sont arrivées à Paris début avril, quelques jours à peine avant Mohammed Ben Salman, le prince héritier d’Arabie saoudite (lire ci-contre). Mais, contrairement à lui, elles n’ont pas eu les honneurs de l’Élysée. C’est que Suha Basharen et Hana al-Showafi, toutes deux Yéménites et membres de l’ONG Care, n’étaient pas là pour discuter business. Seulement pour tenter d’alerter l’opinion sur les ravages de la guerre qui sévit depuis trois ans dans leur pays. Vingtdeux millions de civils, soit les trois quarts de la population, ont besoin d’aide, 8,4 millions de personnes sont au bord de la famine : le pays vit « la pire crise humanitaire au monde », selon les Nations unies. Et, dans ce conflit oublié, « ce sont les filles et les femmes qui paient le plus lourd tribut, rappelle Suha Basharen. La guerre est venue amplifier des discriminations structurelles ».
Au Yémen, 1,1 million de femmes enceintes et allaitantes souffrent de malnutrition. Obligées de fuir leur maison, les femmes représentent plus de 76 % des déplacés internes. Une situation qui les expose à l’isolement, aux violences sexuelles… et aux mariages précoces, lesquels ont augmenté de 52 % en 2016 et de 66 % en 2017. « En faisant ça, les familles cherchent à protéger leurs filles. Parfois, c’est aussi la condition pour que la famille puisse être accueillie quelque part, et survivre », dépeint Hana alShowafi. Pour autant, les deux humanitaires refusent de voir les Yéménites uniquement comme des victimes : « Elles souffrent, certaines prennent part au conflit, mais ce sont des survivantes. » Pour combien de temps ?