Inès
Chère Causette, Tout d’abord, je veux profiter de cette lettre, la première que je ne t’aie jamais écrite, pour te dire mon amour. […] Cela dit, je dois te l’avouer : j’ai failli m’étrangler à la lecture de la BD « animaux homos » de ton numéro d’avril. J’en conviens, l’intention est bonne : cet argument est souvent utilisé pour répondre à ceux qui pensent que l’homosexualité ne devrait pas être car elle est contrenature. Mais je pense que cette réponse ne fait qu’alimenter un débat qui n’a pas lieu d’être. Qu’est-ce qui est naturel ? Est-ce ce qui est inné ? Les comportements qui tiennent de l’instinct ? Cela explique qu’on évoque les comportements des animaux pour répondre aux anti-homos, mais dans ce cas-là, que fait-on de la violence, qui est un comportement on ne peut plus naturel dans le règne animal ? Certains exemples évoqués dans la BD, tels que le cannibalisme ou la pédophilie, ne rendent pas service à la justification de l’homosexualité humaine. […] De fait, la nature humaine n’est-elle pas précisément une capacité à s’affranchir de ses instincts primaires pour construire une civilisation ? […] Dans ce contexte-là, peut-on réellement comparer la sexualité humaine à celle des autres animaux ? Dans cette dernière, les notions de consentement, de fidélité, de sentiments, mais aussi de régulation des naissances sont absentes. Comme le dit mon professeur de sociologie : « La sexualité est l’un des domaines les plus normés, les moins naturels de la vie humaine. » […] Bref, tu sais, Causette, quand je ne suis pas trop occupée à constater les dégâts que continue de causer l’obscurantisme au XXIe siècle, j’arrive à avoir pitié de ceux qui l’instiguent. Chère Inès, le débat est vaste et, surtout, pas réglé. Merci de l’avoir alimenté avec cette jolie lettre qui donne du grain à moudre à notre réflexion ! C.