Causette

IMMENSE “PETITE”

- PAR LAUREN MALKA

Du haut de ses 23 ans, “l’aventurièr­e fauchée” a déjà parcouru

le monde. Des expérience­s incroyable­s qu’elle partage sur son blog. Elle signe un roman d’apprentiss­age où elle raconte

comment la route l’a sauvée.

Sans argent, la jeune Suissesse a voyagé plus de trois ans en faisant de l’auto ou du bateau-stop. C’est sur Skype que nous prenons contact avec elle. Sarah Gysler n’est pas à l’aise en société, elle l’explique dans son livre. Comme pour de nombreux timides, ce type de communicat­ion lui convient bien. Sarah Gysler est connue par des milliers d’internaute­s comme blogueuse sous le nom de « l’aventurièr­e fauchée ». Tignasse noire corbeau, visage pâle, corps menu, vingt tatouages et une voix ennuagée… On peine à l’imaginer, mais la jeune fille de 23 ans parcourt le monde à pied depuis plus de trois ans sans un sou en poche. Loin de sa famille, de l’école et des « petits » jobs qu’elle a quittés sans regret, elle a déjà traversé une partie de l’Europe en auto-stop, le lac Baïkal gelé à pied, l’Atlantique à la voile, parcouru la Mongolie, la Colombie...

Dès qu’elle trouve un peu de réseau pour se connecter à Internet, elle raconte ses aventures aux lecteurs sous forme d’anecdotes personnell­es ou de lettres. Parfois, quelques photos et des vidéos. Son style ? Celui d’une jeune blogueuse de notre temps, biberonnée aux séries télé, qui aurait trempé sa plume dans l’encre de Salinger. Le même refus de choisir entre les appétits contraires : ceux de la révolte et de la lumière, ceux des tripes et de l’esprit. Pourquoi « fauchée » ? C’est un choix un peu cinglé, mais bien pensé, dont elle s’attache précisémen­t à démêler les raisons et déraisons dans le livre qu’elle publie aujourd’hui : Petite. Car non, ce récit n’est pas un condensé de son blog ni un énième tuto pour « tout plaquer ». Sarah Gysler – c’est là toute son audace – a choisi de consacrer la première partie de son livre à sa vie « avant » le grand saut. Les épreuves personnell­es, familiales, les humiliatio­ns sociales qui l’ont amenée à attraper son bâton de pèlerin, comme ultime recours, pour apprivoise­r sa solitude.

Initiales SDF

Née de parents facteurs, mère algérienne, père vaudois, dans l’une des quelques familles pauvres d’un des pays les plus riches du monde, la Suisse, Sarah porte deux autres prénoms, Danielle et Fatma, qui forment les initiales « SDF », ça ne s’invente pas. Au moment où elle aurait pu se mettre à travailler, elle qui rêvait de « faire un truc pour aider le monde » , un conseiller d’orientatio­n l’en a dissuadée. Mauvaises notes et « hypersensi­bilité » ? Verdict : ne pas viser loin ! « Mon dégoût face à cet homme, sa léthargie m’ont aidée à fuir. »

Poliment, sans diplôme, Sarah commence une vie de secrétaire. Il lui a fallu quelques années pour se réveiller. Direction Toulouse, d’abord. Sarah avait glissé, avant de partir, quelques piécettes au fond de son jean, qu’elle se fait voler. C’est là que tout a commencé. Sans sou ni garde-fou. « Pour une femme, c’est dur. On nous met en garde sans arrêt. Mais j’ai levé le pouce pour voyager en auto-stop, rendu des services pour qu’on m’offre à manger, frappé aux portes ou consulté des sites solidaires pour trouver des lieux où dormir. Le manque d’argent et le rapport d’entraide que cela instaurait m’ont appris à n’avoir plus peur de personne. Jusqu’à soulager mon rapport à l’humanité ! »

La démarche de Sarah Gysler est-elle engagée ? « Si elle inspire, c’est tant mieux, mais je ne représente pas de mouvement. Jack London non plus n’était pas politisé, rappellet-elle. Il avait seulement peur de pourrir sur place, exactement comme moi ! » Peu loquace sur les grands principes qui fondent sa foi, Sarah se révèle intarissab­le lorsqu’il s’agit d’énumérer ce qu’elle doit encore accomplir, maintenant qu’elle sait déjà pêcher, se nourrir seule dans la jungle, faire un feu… Au programme des prochains mois : traverser la Nouvelle-Zélande à pied. Plus de 3 000 kilomètres, en solitaire pendant six mois. Et aussi, écrire un livre. « Ah... ! s’exclame- t- elle, dans un éclat de rire aussi émouvant, lumineux et réjouissan­t que son livre. Mais voilà, ça, c’est fait ! »

 ??  ??
 ??  ?? Petite, de Sarah Gysler. Éditions des Équateurs, 180 pages, 18 euros.
Petite, de Sarah Gysler. Éditions des Équateurs, 180 pages, 18 euros.

Newspapers in French

Newspapers from France