C’EST UNE MAISON ARC-EN-CIEL
Le premier tome des Chroniques de San Francisco, d’Armistead Maupin, s’ouvre sur cette observation d’Oscar Wilde : « C’est une chose étrange, mais quelqu’un vient-il à disparaître, on dit l’avoir aperçu à San Francisco. » On comprend à la lecture de Mon autre famille, l’autobiographie du célèbre écrivain défenseur des droits des homos, à quel point cela lui va comme un gant.
Après un gros quart de siècle engoncé dans le costume d’un jeune sudiste américain typiquement ravi d’avoir participé à l’effort de guerre au Vietnam, Armistead Maupin s’enfuit de sa Caroline du Nord natale et, par là même, disparaît de la vie très conservatrice que lui avaient choisi ses parents, ségrégationnistes et homophobes. Quelles meilleures vibes pour s’extraire du paradigme réactionnaire familial que l’ambiance flower power et activisme gay qui règne alors dans la City of tales ? Son autobiographie est un petit bonheur dans lequel on croise tout le gratin gay – de Rock Hudson à Harvey Milk – d’une époque historique pour la communauté. Mais c’est aussi un témoignage fascinant sur la complexité de l’âme humaine : jusqu’au bout, son père aura milité contre les droits des gays. Ce qui ne l’empêchera pas de demander au mari d’Armistead avant de mourir : « Prenez bien soin de ce garçon, vous m’entendez ? » Un régal sucré-salé.
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ANNA CUXAC
Mon autre famille, d’Armistead Maupin, traduit de l’américain par Marc Amfreville. Éditions de l’Olivier, 352 pages, 22 euros.