La « vengeance de classe » a (aussi) porté Bolsonaro au pouvoir
Un séisme mondial. Dimanche 28 octobre, le Brésil a élu à plus de 55 % Jair Bolsonaro à la tête du pays. Raciste, misogyne, homophobe, anti-cause environnementale, le leader d’extrême droite ressemble à un contresens historique. Comment en est-on arrivé là ? Son électorat, de sociotype « homme blanc ayant fait des études supérieures et gagnant entre cinq et dix fois le salaire minimum », selon l’institut de sondages Datafolha, a vaincu par les urnes une opposition généralement féminine, racisée et issue des classes populaires. « Les électeurs de Bolsonaro ont globalement agi par vengeance de classe, décrypte Jean-Jacques Kourliandsky, chercheur à l’Institut de recherches internationales et stratégiques (Iris) sur les questions ibériques. « En France, nous avons l’image vendue par les agences de voyages d’un pays cordial et métissé, mais cela ne correspond pas à la réalité. C’est un pays profondément raciste. Ces électeurs ont clairement été portés par l’envie de remettre les Noirs à leur place, en réaction à des mesures du Parti des travailleurs, comme les quotas de Noirs à l’université ou la loi portant la durée maximale de travail hebdomadaire des domestiques à quarante-quatre heures. » Un vote raciste, un vote intéressé également. La candidature de Bolsonaro a été ardemment soutenue par les grandes sphères d’influence du pays : financières (les investisseurs boursiers comptent sur les privatisations envisagées par son futur ministre de l’Économie, Paulo Guedes), médiatiques (les chaînes télévisées privées Globo comme les chaînes évangélistes), les agro-exportateurs, les forces armées et les églises évangélistes. Ajoutez à ça des centaines de milliers d’électeurs et d’électrices prêt·es à tout pour faire tomber le Parti des travailleurs corrompu de toute part, et voilà que le pays, souvent présenté comme un laboratoire pour le reste de la planète, flirte désormais avec le fascisme.