Causette

“À mes 16 ans, je pourrai entrer en contact avec mon père biologique, et même le rencontrer ”

Élisa, 11 ans, fille de Muriel et Séverine (Loire-Atlantique)

- A. C.

« Il y a des gens qui disent que je suis différente parce que j’ai deux mamans, mais moi, je pourrais très bien dire que ce sont eux qui sont différents de moi. Je crois que, dès que j’ai su m’exprimer correcteme­nt, j’ai demandé à mes mamans comment j’étais née, et elles m’ont tout expliqué. Elles m’ont dit qu’il y avait un homme qui était allé dans un hôpital en Hollande et qu’il avait donné son spermatozo­ïde et qu’elles étaient allées le chercher.

Sur le coup, je me suis dit que c’était chouette de ne pas avoir une famille comme tout le monde. Et puis je me suis rendu compte qu’il y avait des gens que ça dérangeait et qui m’ont embêtée à cause de ça. J’étais en CE2, c’était deux garçons de CM1-CM2, et ils disaient que je n’étais pas normale. J’avais essayé de les ignorer, mais j’y arrivais de moins en moins parce que c’était tous les jours, tout le temps. Je suis allée voir le directeur, qui les a calmés.

Cette année, je suis entrée en sixième, et j’ai eu un souci avec le prof de sport qui nous a demandé de remplir une fiche avec le numéro de téléphone de notre papa et celui de notre maman. J’ai mis les numéros de mes mamans et il m’a demandé, devant toute la classe, qui était mon père, qui était ma mère. Je lui ai dit que c’était un problème personnel et que j’aimerais bien en parler à la fin du cours, mais il n’a pas voulu. J’ai été obligée de dire devant tout le monde que j’avais deux mamans, et on m’a regardée bizarremen­t. Le prof ne s’est pas excusé, il a juste dit : “Je ne savais pas que tu avais deux mamans.” Une fille est venue me voir pour me dire que ce n’était pas anormal, que je n’avais pas à le cacher, et maintenant on est amies.

À un moment, en primaire, mes copines parlaient souvent de leur papa et elles disaient que c’était trop bien d’avoir un papa. Du coup, moi, je ne me suis pas dit que c’était dommage d’avoir deux mamans, mais que j’aurais bien voulu avoir un papa. Elles disaient que leur papa, il ne les grondait pas. En fait, tu te fais toujours plus gronder par un parent que par l’autre, mais ça, à l’époque, j’étais trop petite pour le savoir. Aujourd’hui, c’est plutôt l’inverse, lorsque mes copains viennent chez moi, ils me disent que c’est trop cool d’avoir deux mamans, parce que chez eux, c’est la mère qui est la plus gentille. Mais chez moi, c’est Ama [“maman”, en indien, c’est ainsi qu’Élisa appelle Séverine, ndlr] qui est la plus sévère. Mais bon, c’est aussi elle qui m’emmène faire les boutiques, maman [Muriel] a moins de temps.

À mes 16 ans, je pourrai entrer en contact avec mon père biologique, et même le rencontrer [aux Pays-Bas, l’accès aux origines, donc à l’identité du donneur, est possible]. C’est important pour moi, pour voir à quoi il ressemble, voir si on a des points en commun et savoir s’il y a d’autres enfants nés comme moi grâce à lui. En attendant, ma famille, je la trouve super. Et comme je n’en ai pas connue d’autre, et que mes mamans prennent soin de moi et sont toujours là pour moi, je la trouve aussi complèteme­nt normale. »

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