Les questions de Josef Schovanec à l’auteure
JOSEF SCHOVANEC : Pensez-vous que le multiculturalisme soit un atout pour l’autisme ? Comment importer en France la force inclusive d’autres cultures ?
ÉLIZABETH TCHOUNGUI :
Je ne verserai pas dans l’angélisme : dans de nombreux pays d’Afrique, les personnes handicapées sont encore plus discriminées qu’ici. Mais globalement, dans les cultures africaines traditionnelles, le collectif prime sur l’individu : face à l’adversité, le « grand village » […] se mobilise. Pour importer en France cette force inclusive, il faudrait que notre pays accepte de reconnaître ces autres cultures qui le composent : de sortir du moule, ce modèle si excluant. Dans ce chemin avec mon fils, et je l’évoque souvent dans le livre, ma double culture franco-camerounaise m’a été d’une grande aide : j’ai toujours été confrontée à la différence […], j’en ai retiré une solide capacité d’adaptation et, surtout, la conviction que la différence était une richesse. Voilà pourquoi celle d’Alexandre, malgré le défi qu’elle représente, ne m’a jamais épouvantée. Voilà pourquoi j’ai tant confiance en lui.
J. S. : « Bonne nouvelle, mon fils, plus tard, tu emballeras des super meufs », écrivez-vous. Et si l’autisme nous donnait à repenser les objectifs de la vie, à imaginer une société différente ?
É. T. :
C’est une constante dans le parcours chaotique d’Alexandre : les filles de 7 à 77 ans l’ aiment. Au-delà de sa beauté – je suis bien sûr très objective –, je pense qu’elles sont touchées par son hypersensibilité. Je me plais à imaginer que mon fils ne se coulera pas dans ce moule – encore un – qui oblige les hommes à rouler des mécaniques et à enfouir leur sensibilité pour montrer qu’ils sont virils, qu’ils sont des mecs, des vrais. Et que grâce à cela, il emballera des super meufs !