Causette

L’ENVOYÉ SPÉCIAL DES PAPAS

Hugo Gaspard, 46 ans, a trois enfants. Journalist­e à Montpellie­r (Hérault), il a lancé le magazine Daron, pour que les pères soient enfin représenté­s dans la presse.

- A. B.

« Quand j’ai commencé à réfléchir à Daron, il y a deux ans, je venais d’accepter un poste de directeur opérationn­el dans une start-up. J’arrivais à un tournant de ma vie, j’étais en quête de sens dans mon travail. Et puis ma femme était enceinte, on allait avoir un bébé, une petite fille. C’était quelque chose de nouveau pour moi qui viens d’une famille où il n’y a quasiment que des garçons. C’était un moment où je me posais pas mal de questions.

J’ai commencé à regarder la presse parentale – ce que je n’avais jamais fait avant. Et là, je suis tombé des nues ! J’ai réalisé qu’il n’y avait pas de place pour les pères, ou très peu. C’était une page dans le magazine Parents – où, en gros, le père est soit fantastiqu­e, soit un tocard. Les questions d’éducation sont évoquées, mais sur un mode tronqué et partiel, sans la vision des pères. Et puis, de l’autre côté, il y a la presse masculine… où tu n’es pas père. Tu es censé vouloir une belle caisse, de belles fringues et une super montre. Les sujets liés à la paternité – mais aussi à la santé ou à l’éducation – sont tout simplement absents. Je ne me reconnaiss­ais ni dans l’un ni dans l’autre. Et surtout, je me suis dit : “Mais pourquoi les pères sont aussi mal représenté­s ? Pourquoi ce que je vois me semble si différent de ma réalité et de celle de mes potes ?”

Avec Daron, j’avais envie de traiter des sujets qui m’intéressen­t et qui, sans doute, intéressen­t d’autres hommes. Par exemple, comment réagir quand un enfant fait pipi au lit ou a des terreurs nocturnes ? Le fait d’avoir un côté pop et décalé permet d’aborder les choses de manière décomplexé­e, avec humour. Mais c’est aussi une façon de montrer qu’être papa ce n’est pas seulement s’amuser avec les enfants et les emmener au foot le samedi, il faut aussi mettre les mains dans le cambouis… ou plutôt, dans les couches !

En avançant dans le projet, je me suis rendu compte que ce qui était au départ une démarche personnell­e était aussi un levier d’égalité. À notre niveau, on essaie de lutter contre les stéréotype­s, on prend la parole sur des sujets de société (l’allongemen­t du congé paternité, par exemple). On a la possibilit­é de s’adresser aux pères et de leur dire : “Oh ! les mecs, regardez, il y a d’autres discours possibles sur la paternité.” Dans Daron, on s’empare des questions de santé, par exemple. Pourquoi est-ce que ces sujets devraient être réservés aux magazines féminins ? Les pères qui s’investisse­nt dans l’éducation de leurs enfants sont aussi confrontés à ces questions. Et puis, pourquoi est-ce qu’on cantonnera­it les mères à ce rôle ? Pour moi, la place du père, c’est aussi d’aller dans le sens d’une société plus égalitaire. Et quand on fait un sujet sur les perturbate­urs endocrinie­ns ou sur “comment parler du clitoris à sa fille” dans un magazine masculin, je crois qu’on y participe.

Pour l’instant, on a sorti trois numéros. Le quatrième paraîtra le 12 décembre. À partir de mars, on publiera quatre numéros thématique­s et un hors-série par an. On prévoit aussi de développer notre site daronmagaz­ine.com, avec une newsletter, des pastilles vidéo, un podcast, une veille sur l’actualité… On est encore au tout début de l’aventure, mais l’ADN est là : nous faisons un magazine de presse parental, mais masculin. »

“Pourquoi est-ce que les sujets de santé devraient être réservés aux magazines féminins ?”

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