Causette

LE DADDY DÉGENRÉ

Le Canadien Mike Reynolds, 39 ans, est le papa (féministe) de deux filles. Chargé de communicat­ion à Ottawa, il a créé le site Everyday Girl Dad, pour faire évoluer les représenta­tions sur la paternité.

- A. B.

« Je me définis comme un père féministe. Cela signifie que j’essaie d’en apprendre chaque jour un peu plus sur ce que vivent les autres (les femmes ou les personnes non binaires notamment) et sur la manière de soutenir mes filles face aux changement­s que leur corps peut subir, par exemple. J’aborde aussi la question de la masculinit­é et de la paternité avec d’autres hommes, je collecte des fonds pour des organisati­ons qui aident les victimes de violences domestique­s ou qui font des dons de produits menstruels. Et je crois que c’est aussi mon rôle de parler de ces sujets avec les hommes qui m’entourent.

J’ai créé la ligne de tee-shirts Everyday Girl Dad parce que je ne supportais plus de voir circuler tous ces messages pourris sur la paternité, sans qu’aucun homme les remette en question. Vous savez, les messages du type “Les 10 règles pour sortir avec ma fille” ou “Dads against daughters dating” [“Les pères opposés aux rendez-vous galants de leurs filles”, ndlr], qui laissent entendre que les filles sont la propriété de leur père. Ces discours reviennent à traiter les jeunes femmes et les jeunes hommes comme s’ils étaient indignes de confiance et de respect. Et c’est extrêmemen­t préjudicia­ble pour eux, qui sont justement en train de construire leur vision de la masculinit­é.

Everyday Girl Dad est à la fois une ligne de vêtements féministes [ses tee-shirts affichent des slogans tels que “Je cours comme une fille”, “Dads for daughters dating… and other choices they make for themselves” ou “Not my body, not my choice” et un média, mais aussi le fruit des conversati­ons que je peux avoir avec les gens. Parfois, ça prend la forme d’un tweet, parfois celle d’un vêtement. Toutes les informatio­ns que je partage ont le même objectif : explorer et, je l’espère, changer les représenta­tions sur la masculinit­é et sur ce que signifie être le père d’une fille. Par exemple, j’ai remarqué que, souvent, les expérience­s que vivent les filles et les femmes ne deviennent importante­s aux yeux des hommes que lorsque ceux-ci deviennent pères. J’aimerais que les relations entre les papas et les filles ne soient plus envisagées à travers cette mentalité protectric­e que nous sommes beaucoup à avoir, mais soient davantage vécues comme un partenaria­t. Comme une relation où elles peuvent partager leurs préoccupat­ions avec nous, et nous les nôtres.

Contrairem­ent aux idées reçues, être le père d’une fille ne se résume pas à jouer à se mettre du vernis, du rouge à lèvres ou à essayer de nouvelles coiffures – même si je n’ai absolument rien contre ça. Personnell­ement, j’aime que mes filles me fassent les ongles. Mais il est beaucoup plus probable qu’on passe du temps ensemble à travailler sur un projet de science ou à dessiner des images d’Hermione Granger ou de Raven [personnage­s de Harry Potter et du dessin animé Teen Titans Go]. Les pères peuvent aussi discuter d’école, de règles, de copains ou de copines avec leurs filles. Ils ne devraient pas se sentir mal à l’aise d’aborder ces sujets. Et s’ils le sont, alors ils doivent apprendre à ne plus l’être. »

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