Les sorties cinéma
Même si les amours interdites sont les plus piquantes, en tout cas au cinéma, il est possible de les raconter délicatement. C’est le choix qu’a fait Rohena Gera pour son premier long-métrage et elle a eu raison. Monsieur, qui dépeint la relation sentimentale, totalement taboue, entre Ashwin, un fils d’une riche famille de Bombay, et Ratna, sa domestique issue de la campagne, est un petit bijou d’intelligence, de pudeur et d’humanité. S’inscrivant dans le sillon délectable de The Lunchbox, son film oscille avec sûreté entre drame social et comédie romantique. Bien vu !
Huis clos subtil
Le public occidental s’immergera d’autant mieux dans les codes de cette société indienne, très hiérarchisée, que la réalisatrice de Monsieur a choisi de dérouler son intrigue dans un espace intime. À savoir le grand appartement d’Ashwin, pour l’essentiel. L’effet de proximité est saisissant, d’autant que la caméra utilise toutes les ressources du lieu (cloisons, portes, fenêtres) pour dénoncer cette vie commune placée sous le signe de la séparation (système de castes oblige).
Autre talent du film : celui d’avoir su dépasser le manichéisme induit par son histoire. Ses deux protagonistes échappent aux stéréotypes habituels (la « pauvre fille » non éduquée est fine et a un vrai projet professionnel ; le beau et riche garçon est beaucoup moins libre qu’il n’y paraît). Ultime raison de faire honneur à ce Monsieur classieux : ses comédiens, singulièrement Tillotama Shome. Avec son allure faussement ordinaire, elle enchante doucement mais sûrement le personnage moteur de Ratna.