Causette

Interview de Didier Lett, professeur d’histoire médiévale

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Les « nouveaux pères », qui apparaisse­nt dans les années 1970, sont-ils si nouveaux que ça ? Que nenni ! répond Didier Lett, professeur d’histoire médiévale à l’université Paris-Diderot. Pour lui, les pères d’hier n’étaient pas

forcément distants et autoritair­es : au Moyen Âge, ils changeaien­t les couches et s’occupaient des enfants.

CAUSETTE : Où en est-on de l’histoire de la paternité ? Est-ce un objet d’étude que l’on maîtrise ou qui reste méconnu ?

On a fait de gros progrès, mais

DIDIER LETT : on a beaucoup moins étudié l’histoire de la paternité que celle de la maternité. À partir des années 1970-1980, celle-ci a fait l’objet de nombreux travaux, au sein d’une histoire des femmes, du corps et de la parenté. On a été quelques-uns à travailler sur le sujet, à partir des années 1990, mais c’est un champ qui reste relativeme­nt nouveau. Le père d’hier est généraleme­nt présenté comme un être autoritair­e et distant, par opposition aux « nouveaux pères » d’aujourd’hui. Comment étaient ceux du Moyen Âge ?

On a effectivem­ent cette image très

D. L. : forte du « père souverain » d’hier. C’est vrai qu’au Moyen Âge, le droit lui donnait une très grande autorité sur l’ensemble des gens de sa maisonnée – y compris celle de punir et de battre. Le problème qui se pose pour nous, historiens, c’est celui des sources : pendant longtemps, on a surtout travaillé sur des textes juridiques, des textes de droit où, évidemment, le père apparaît toujours très autoritair­e. De la même manière que, si on étudiait aujourd’hui les textes juridiques, on aurait une vision de la paternité très différente de celle qu’on observe dans la réalité. Vos travaux ont justement montré que le père du Moyen Âge n’était pas seulement un « chef de famille » autoritair­e, mais aussi un être empreint de tendresse et investi dans les soins aux enfants. Concrèteme­nt, de quelle manière s’impliquait-il ?

Dans le milieu paysan, où l’on vivait

D. L. : parfois de manière très isolée, sans femmes dans les environs, le mari pouvait très bien participer à l’accoucheme­nt, et ensuite aux soins du nouveau-né. Les récits de miracles* des XIIe-XIIIe siècles mettent aussi en scène des pères partant travailler aux champs ou réparer un bateau, accompagné­s de leur enfant de 2 ou 3 ans, jouant avec lui, s’occupant de lui, sans présence maternelle. Ce qui montre bien qu’il y avait des relations très étroites, de tendresse, entre le père et l’enfant. Peut-on parler de « paternage » (soit un maternage au masculin) à cette époque-là ?

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