Causette

Dans son sac à dos,

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en vitesse, elle a fourré un slip ou deux. Un gros pull. Et les photos de sa gosse, qu’elle appelle tous les soirs. Pour l’instant, la petite vit chez sa grand-mère. Ce jour-là, elle a pris la poudre d’escampette. Ni une ni deux. Pas trop réfléchir. Des années qu’elle réfléchit et que, du coup, elle reste avec son homme, qui l’aime et qui la cogne quand il est soûl et malheureux, dit-il. De plus en plus malheureux alors... Cette fois, c’est la bonne. Elle n’a pas un sou, mais elle trouvera bien une solution. Le premier jour, elle sillonne la ville. Il fait froid mais beau. Le soleil la réchauffe. Elle se sent libre, enfin. Elle marche et marche sans fin. S’arrête de temps en temps sur un banc. La nuit tombe. Elle est épuisée. Sous un porche, elle s’endort, emmitouflé­e dans sa couverture. Elle appelle sa petite, ça lui donne le sourire et ça la fait pleurer en même temps. Les jours défilent. Tous semblables. Marcher, trouver un endroit où se laver, où dormir. Faire la manche pour récolter quelques pièces. Il y a bien des foyers d’accueil, mais les places sont chères. Et puis les dortoirs sont mixtes. Elle se fait tout le temps emmerder. C’est pour ça qu’elle préfère le porche qu’elle s’est trouvé. Là, au moins, elle est à peu près tranquille. Personne ne la voit. Quand on est une femme à la rue, c’est ça, la règle. Surtout, qu’on ne vous voie pas. Rester invisible. Pour ne pas se faire tabasser. Ne pas se faire violer. Alors elle disparaît. Petit à petit, littéralem­ent, elle disparaît. Les femmes SDF sont les fantômes des grandes villes. Elles existent, pourtant. Elles sont même de plus en plus nombreuses. Il est grand temps de les considérer. Alors commençons par les regarder ! Ah oui, au fait, elle s’appelle Nathalie.

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