JEUNE BERGÈRE
QUAND ON PARLE DU LOUP…
Voilà un film vivifiant, qui rappelle que l’homme est (souvent) un loup pour l’homme. Mais aussi que les jeunes bergères d’aujourd’hui ne sont pas des brebis… Femme + jeune + exploitante agricole : il est des équations plus faciles à résoudre ! Pas sûr que Stéphanie, l’héroïne trentenaire de Jeune Bergère, en ait perçu toutes les embûches lorsqu’elle s’est installée en Normandie, il y a une poignée d’années, pour élever ses brebis au coeur des prés salés du Cotentin. Sublimes paysages, c’est vrai, mais qui n’empêchent pas qu’elle en bave, elle, l’ex-graphiste parisienne reconvertie en bergère ! De fait, ici aussi apparemment… les braves gens n’aiment pas que l’on suive une autre route qu’eux. Voilà ce que raconte, avec subtilité, le documentaire de Delphine Détrie. « Je voulais dresser le portrait d’une femme en quête de liberté », explique la réalisatrice qui, jusqu’alors, effectuait des reportages pour la télé. C’est d’ailleurs à cette occasion qu’elle croise la route de Stéphanie, en 2015. Le contact, fort et confiant, se noue : « Déjà, à l’époque, elle m’avait parlé de ses déboires. On la menaçait de fermer son exploitation si ses brebis continuaient de divaguer sur la route… Le problème étant qu’on l’empêchait, par ailleurs, de fermer les prés salés avec des barrières ! » Bref, la brune et coquette Parisienne gêne. Ni une ni deux, Delphine décide de se lancer dans « un film de cinéma » , dès l’année suivante, avec et autour de Stéphanie. Parce qu’elle a « tout de suite vu un truc universel » dans son histoire. Et parce qu’elle souhaitait montrer, aussi, « comment et en quoi Stéphanie est légitime dans ce qu’elle fait » .
C’est peu dire, donc, que son documentaire est physique, déterminé et sensible ; raccord avec sa jeune bergère qui ne lâche rien. À cause d’un voisin mal intentionné, de gendarmes peu réceptifs à ses ennuis ou d’un agneau dépecé par un corbeau. « Stéphanie sort du cadre et moi, j’ai fait ce film à un moment où je n’en pouvais plus du formatage télé », reconnaît Delphine, comme affranchie par cette personnalité atypique et ces paysages puissants. « Oui, on se sent très vivant là-bas. D’ailleurs, mon projet, au départ, s’appelait Vivante… car cette femme est terriblement vivante dans ce paysage. » En clair, Stéphanie, bergère moderne, ne se laissera bouffer par aucun loup.