J’ai testé… les e-drogues
Internet étant devenu le nouvel opium du peuple, c’est logiquement que des petits malins ont eu l’idée de se greffer sur cet immense Go Fast planétaire pour nous fourguer de la drogue échappant à toute législation sur les stupéfiants, à consommer au bout du jack (pas Daniels, mais audio). Ainsi est né I-Doser, logiciel de lecture de défonce auditive, sous la forme de fichiers téléchargeables, entre fond sonore pour salle d’attente et électro de supermarché, à utiliser de préférence dans le noir avec un bon casque. La prise de i-doses permettrait, selon le mode d’emploi, d’accéder à des « états de conscience altérés » via des battements binauraux, c’est-à-dire différents d’une oreille à l’autre. Exit le nez et les veines, bienvenue dans le monde du tox du lobe !
Il y a une dizaine d’années, au cours d’une animation sur les drogues, des jeunes m’avaient interrogé sur le sujet. N’étant pas vraiment au parfum, j’avais assumé mon côté old school, mais le soir venu, en bon professionnel, j’ai osé le trip connecté. Il a fallu tout de même faire péter la Visa, car, en bon dealer, I-Doser offre le logiciel, pas les doses. Le bang sans la ganja. Au milieu de multiples molécules, j’ai opté pour un terrain connu, en téléchargeant pour quelques euros le fichier « Marijuana ». J’ai le souvenir que l’expérience m’avait grave saoulé. Le bruit, ces fameuses fréquences binaurales, était incommodant au point de me filer la nostalgie du bouchon de cérumen. Franchement, ma trompe d’Eustache n’a pas rejoint Jah Rastafari et le son, quoique binaire, mais à mille bornes de celui syncopé du reggae, n’a pas activé une seule seconde le circuit du plaisir. Certes, je ne suis pas un grand adepte de la méditation et de l’om à poil dans la forêt. Il m’est arrivé de lâcher de la sérotonine sans MD sur un bon DJ set, mais ce sont les strobos et la danse qui m’ont mis en transe. En admettant que ça marche sur des esprits plus yogis que le mien, il reste qu’avec I-Doser, on perd le meilleur de la dope : le plaisir de s’enfumer la tête avec ses potes et de partager un délire ! I-Doser, c’est un truc d’individualiste, d’asocial. En cherchant sur le Net des témoignages de kifs, j’ai eu l’impression que beaucoup surjouaient les effets, probablement pour faire les VRP. Sur les forums, I-Doser semble mieux convenir aux néophytes du psychoactif qu’aux vieux briscards du retourné de cervelet. L’avenir du logiciel est peut-être dans la substitution pour préserver les jeunes de produits plus addictifs et destructeurs.
Aujourd’hui, la page Web d’I-Doser est moins psyché qu’auparavant. Graphiquement, le site évoque le vendeur de bureautique acoquiné avec une coach mentale pour faire plus de blé. Pour cet article, j’ai réitéré l’expérience, histoire de voir si le dealer avait amélioré sa production. N’ayant pas envie de me faire arnaquer une seconde fois, j’ai opté pour l’essai gratos de DMT (Diméthyltryptamine) sur YouTube. Comme dans la street, on appâte le bolosse, comme on dit chez les bicraveurs, avec un starter censé allumer les synapses pour un goût de « revenez-y ». Cette fois, les infrabasses ont bien cogné, mais franchement, j’attends encore l’hallu prévue. Le truc m’a envoyé direct chez le pharmacien pour pécho de la codéine et stopper la batucada crânienne.
Sur le forum, où toutes les doses sont gratifiées de 5 étoiles sur 5, je suis tombé sur le témoignage d’un utilisateur du « Productivity Pack » affirmant : « Je l’utilise depuis sept jours et je me sens plus concentré sur mon travail et plus productif. » En toute sincérité, on est loin de la cigarette qui fait rire et très proche du képa de poudre de perlimpinpin. De l’enfumage capitaliste, quoi.
I-Doser semble mieux convenir aux néophytes du psychoactif qu’aux vieux briscards du retourné de cervelet