Causette

Arsène Lupin

- Par DORIAN LESCA

Nous sommes début mai et je pars à la rencontre d’un jeune homme de 141 ans pour mon interview du mois de juin. Me voici donc dans ma BX en direction d’Étretat, en Normandie, pour évidemment boire beaucoup de calva, mais quand même aussi poser quelques questions à Arsène Lupin, un type que, quand il fout les pieds à la Fnac, les vigiles serrent les fesses. Se rendre chez Arsène, c’est déjà une aventure : il habite dans un repaire secret (trouvé sur le site hyper confidenti­el Wikipédia) situé dans l’aiguille d’Étretat.

Causette : Bonjour, Monsieur Lupin, savez-vous que si on change le « u » de votre nom par un « a », ça fait Lapin ?

Arsène Lupin : Bonjour, oui oui, je sais... On peut aussi ajouter un « e » à la fin et pleurer de rire... Je sens qu’on prend la direction d’une grande interview.

Oh ça va, c’était juste pour briser la glace. Vous allez voir, on va monter en puissance. Comment se passe la retraite quand on a volé toute sa vie et donc rien cotisé ?

A. L. : Premièreme­nt, y a le minimum vieillesse. Avec ça, j’ai pas loin de 800 balles par mois, ça paie les charges fixes, et tout ce qui n’est pas dématérial­isé, je le vole. Je m’en sors très bien.

Comment ça, tout ce qui n’est pas dématérial­isé ?

A. L. : Eh bien, c’est plutôt clair non ? À part Internet et deux-trois assurances merdiques que tu paies pour qu’en cas de sinistre on t’explique que, malheureus­ement, là, ce n’est pas pris en charge, le reste, globalemen­t, je le vole.

Mais depuis cent quarante ans que vous volez, les gens vous voient arriver, non ?

A. L. : Il faut croire que non. Les déguisemen­ts et toutes les techniques de supercheri­e un peu old school sont assez méconnus. Plus le monde se modernise, plus c’est efficace. Autant vous dire que depuis la révolution industriel­le et les saloperies qui en ont découlé, je me fais plaisir. Les gens ne savent plus voler. On en parlait encore le mois dernier avec Robin des Bois, c’est affligeant, le niveau des mecs qui piquent.

Robin des Bois ? Le renard qu’on suit dans le documentai­re très fouillé de Walt Disney ?

A. L. : Mais non ! Sans déconner, ça, c’est un truc pour les gosses ! C’est comme le Arsène Lupin avec Duris dans mon rôle, sérieux ! Franchemen­t, ça c’est du divertisse­ment, de l’entertainm­ent, comme ils disent en Espagne. On vous apprend quoi en école de journalism­e ?

Je sais pas, j’ai appris le métier tout seul en regardant Arlette Chabot à la télé. Mais n’inversons pas les rôles, c’est pour parler de vous que je me suis fadé 900 bornes. Quel est le vol dont vous êtes le plus fier ?

A. L. : J’étais en train de monter le vol du siècle, l’objectif était de piquer le toit de Notre-Dame. Pour une fois, j’avais pris un apprenti parce que le chantier s’avérait de taille, mais ce con de jeune a réussi l’exploit de brûler 4000 mètres cubes de bois en une cigarette. Ça fait cher la clope !

Vous déconnez ?

A. L. : Évidemment ! Que voulez-vous que je foute avec un toit de cathédrale ?

Je pense qu’après ça, on peut conclure ?

A. L. : Ah oui, j’aimerais, si vous le voulez bien, faire deux dédicaces à deux voleurs complèteme­nt différents, mais qui ont tout mon respect. Premièreme­nt, Topette, dont on peut entendre les exploits dans l’émission Les Pieds sur terre, sur France Culture. Deuxièmeme­nt, Alexandre Jacob – je vous conseille à son sujet la BD Journal d’un anarchiste cambrioleu­r, de Vincent et Gaël Henry. Du grand art.

Et bien merci ! Et si ça ne vous ennuie pas, je veux bien récupérer mon porte-monnaie.

A. L. : Ah oui, pardon, mauvais réflexe...

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