Le lance-flammes de Titiou Lecoq
Dans cette chronique, je parle féminisme et politique.
Mais cette fois, j’ai envie de me transformer en blogueuse conso, en bonne copine qui donne des conseils en disant :
« Salut les filles, aujourd’hui, je voudrais vous parler d’un produit inspirant. » Parce que, oui, j’ai découvert un produit inspirant : les culottes de règles. Et je ne suis pas loin de penser que c’est la meilleure chose qui soit arrivée dans ma vie ces six derniers mois.
Qu’est-ce que des culottes de règles ? Avant, j’avais évidemment des culottes pour les jours de règles. Des vieilles culottes que je me mettais au moment des règles pour 1/ ne pas risquer de salir de belles culottes neuves, 2/ être à l’aise dedans grâce à leurs élastiques détendus. Et puis voilà, j’ai découvert les véritables culottes de règles, autrement dit des sous-vêtements qui, grâce à une technologie de pointe, absorbent les menstrues et qui se lavent simplement en machine.
Un objet politique
Je n’y croyais pas une seconde. J’étais certaine que ça allait déborder, sentir mauvais et bousiller tout le reste de mon linge en machine. Eh bah non ! Ça fonctionne. Ça relève du miracle. Vous me direz que les serviettes hygiéniques me feraient la même chose. J’avoue que la dernière fois que j’en ai portées, ça devait être au XXe siècle et, d’après mon souvenir, ce n’était pas très agréable. Là, c’est vraiment doux comme une fringue, absolument inodore et beaucoup plus écolo puisque réutilisable.
Mais cet objet n’est pas seulement miraculeux, il est également politique. J’ai passé des années à bloquer mes règles avec des tampons ou des coupes menstruelles, bref tout ce qui existait pour récupérer le sang avant même qu’il sorte. C’est d’ailleurs ce principe-là qui entraîne un risque de choc toxique. Le sang menstruel n’est pas fait pour rester dans le corps plusieurs heures, il est censé s’écouler. (On a quand même réussi à nous vendre des kilotonnes de produits dont on ne connaissait pas la composition et qui nous mettaient potentiellement en danger. Vive le patriarcat !)
Et voilà qu’avec ces culottes, j’ai redécouvert l’écoulement. J’ai renoué avec la sensation naturelle de laisser passer le sang, au lieu d’essayer de le stopper à tout prix. Et je le vis comme une véritable libération. J’ai précisément la sensation de libérer mes règles. Or, je pense que je n’aurais jamais testé cet objet si mon rapport aux règles n’avait pas déjà été modifié. Le travail d’autrices comme Élise Thiébaut (Ceci est mon sang) m’a permis de déconstruire les règles, de comprendre comment on nous a inoculé le dégoût de ces matières, comment toute la société nous apprend que c’est honteux. En réalité, il n’y a rien de plus politique que les règles. D’après l’anthropologue Alain Testart, dans L’Amazone et la Cuisinière, c’est même ce qui a sans doute fondé l’origine de l’inégalité sociale entre les femmes et les hommes. Parce que les unes saignaient, on les a exclues de certaines tâches comme la chasse. Ça a l’air idiot, mais avec mes culottes de règles, j’ai l’impression physique de regagner en indépendance et en estime pour mon propre corps. Je cesse d’essayer de lutter contre lui, je respecte simplement son fonctionnement. Libérer ses règles, c’est aussi se libérer de ce qu’on nous a enseigné comme une féminité honteuse.