3 questions à… Jill Filipovic
Jill Filipovic, féministe américaine, avocate engagée dans la lutte pour le droit à l’avortement aux États-Unis.
Causette : Êtes-vous étonnée des récentes attaques coordonnées (Alabama, Géorgie, Missouri…) de la part des antiavortements ? Jill Filipovic : Non, car depuis trente ans, les militants pro-vie américains démantèlent pas à pas le droit à l’avortement. Ils ont fait voter un déluge de lois restrictives, dans le but d’en compliquer au possible l’accès. Mais jusqu’alors, cette tactique s’inscrivait dans un contexte où il était assez clair que notre Cour suprême ne reviendrait pas sur l’arrêt Roe vs Wade, celui qui a légalisé l’IVG dans tout le pays, en 1973. Ce n’est plus le cas ?
J. F. : La Cour est devenue beaucoup plus conservatrice depuis l’arrivée de deux juges [Brett Kavanaugh et Neil Gorsuch ndlr], nommés par Donald Trump. Selon les antiavortements, ce nouveau contexte va permettre de revenir sur l’arrêt Roe vs Wade. C’est dans cet objectif qu’ils font voter, dans les États, des interdictions extrêmement poussées. Certaines ne permettent même pas d’avorter en cas de viol ou d’inceste. À l’heure actuelle, ces lois sont inconstitutionnelles et ils le savent très bien. Leur espoir, c’est que la Cour suprême s’en empare pour casser l’arrêt de 1973. Unplanned, le film anti-IVG, remporte un vif succès aux États-Unis. Cela vous fait peur ?
J. F. : La machine à propagande des anti-IVG est sophistiquée. Ils produisent par exemple des vidéos expliquant qu’avorter provoque le cancer. Pendant longtemps, les féministes ont cru qu’avoir la science de leur côté serait suffisant pour remporter la bataille de l’opinion. Mais sous l’ère Trump, de plus en plus d’Américains basculent et se mettent à croire aux « faits alternatifs ». C’est pourquoi, plus que jamais, nous avons besoin de la voix des Françaises pour protéger nos droits.