Causette

Monia Chokri : vive le Québec libre !

- Par ARIANE ALLARD

Cette Québécoise solaire, découverte dans les films de Xavier Dolan, aime les défis. La preuve ? Elle était à Cannes le mois dernier pour défendre La Femme de mon frère, son premier long-métrage très réussi. Volubile et coloré, burlesque et subtilemen­t féministe : il lui ressemble. Rencontre avec une femme indépendan­te…

Causette : Votre film explore une relation fusionnell­e entre un frère et une soeur adultes. Un sujet peu traité au cinéma… Monia Chokri : Oui, il y a très peu de films, à part Love Streams, de John Cassavetes, qui en parlent sans tomber dans le schéma de l’inceste. C’est tellement injuste ! Moi, ce qui m’intéresse dans cette relation, c’est son côté pur, métaphysiq­ue. Bon, je ne peux pas passer sous silence le fait que j’ai un frère avec lequel j’ai été en fusion jusqu’à ce qu’il tombe amoureux… C’est à ce moment-là, d’ailleurs, comme mon héroïne, que j’ai senti que je devais vivre ma vie et grandir. La Femme de mon frère est un film sur « l’adulescenc­e » bien sûr ! Vous savez, quand on ne se sent ni trop jeune ni trop vieille et qu’on commence à se poser des questions les lendemains de cuite…

À travers cette adolescenc­e (très) prolongée, vous vouliez donc parler des questionne­ments de votre génération ?

M. C. : Je vois bien autour de moi tous ces couples de trentenair­es à la fois hyper rangés et très ados. C’est une génération qui veut être en couple, acheter une maison et… ne pas entrer dans les codes. Enfin, cette notion de rébellion, j’ai l’impression qu’elle concerne surtout les femmes ! J’ai 35 ans. Faire le choix de ne pas avoir d’enfants maintenant, par exemple, ça bouleverse les valeurs. Qui sont très pesantes. En même temps, choisir d’être différente, ça peut procurer une grande joie ! Bref, j’ai bien du mal avec les choix… Sans doute parce que j’ai envie de bouffer la vie par tous les sens !

À travers votre héroïne, mais aussi sa meilleure amie, sa mère ou sa belle-soeur, vous dressez le portrait d’une féminité plurielle. Ça aussi, c’est rare…

M. C. : Je ne l’ai jamais réfléchi comme ça ! C’est vrai que j’essaie de déconstrui­re les clichés sur les femmes. Pour le rôle de la mère, par exemple, j’avais envie d’une femme moderne, dans la vie, militante, qui aime danser… Moi, chaque fois qu’on m’offre de jouer une mère, c’est un personnage bienveilla­nt et sacrificie­l. Je n’en peux plus. Cela dit, ce qui me préoccupe, c’est d’abord d’écrire une bonne histoire, de beaux personnage­s et de bons dialogues !

De fait, votre film est volubile, coloré et très drôle. Vous dites aussi volontiers qu’il est « québécois ». Mais encore ? M. C. : Le thème de l’identité est très important dans La Femme de mon frère. Mon père est tunisien, ma mère canadienne et moi-même j’habite dans un quartier métissé de Montréal, où les gens vivent ensemble avec pas mal de tolérance. C’est ça que je veux filmer. Parce que je veux défendre le multicultu­ralisme de Montréal. Le gouverneme­nt québécois souhaite fermer les frontières, et cette vague de nationalis­me m’effraie. Mais attention, je traite cela en filigrane.

En tant qu’artiste, je me dois d’être libre !

La Femme de mon frère, de Monia Chokri. Sortie le 26 juin.

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