Causette

Anick Abourachid

Le biomimétis­me, qui consiste à s’inspirer de la nature pour mettre au point des systèmes technologi­ques en respectant l’environnem­ent, sera l’un des sujets phares de 2020. Anick Abourachid, professeur­e au Muséum national d’histoire naturelle, en est l’un

- Propos recueillis par HÉLOÏSE RAMBERT – Photos EMMA BIRSKI pour Causette

Biomimétis­me :

« Fais comme l’oiseau »

Pour inventer, les scientifiq­ues se tournent désormais de plus en plus vers ce qui les entoure : la nature. Copier le vivant représente une formidable opportunit­é d’innovation au service du développem­ent durable et en réponse aux grands enjeux environnem­entaux. En prenant les systèmes biologique­s comme modèle, il devient possible

Causette :

Pourquoi cette passion pour les oiseaux ?

Anick Abourachid : Je suis biologiste évolutive. Mon domaine d’étude, à la base, c’est la relation entre la forme des animaux et leurs mouvements. Je travaille sur les vertébrés et, en particulie­r, sur les oiseaux. Non que je sois une ornitholog­ue « birdwatche­use » acharnée ! [Elle rit.] Mais parce que l’oiseau est un modèle génial pour étudier les relations entre la forme et la fonction. Et pour la bio-inspiratio­n.

Pourquoi l’oiseau plus qu’un autre animal ?

A. A. : Les oiseaux sont en fait des dinosaures bipèdes spécialisé­s dans le vol, qui ont résisté à une vague d’extinction. Aujourd’hui, c’est bien simple, comme bipèdes sur Terre, il reste 10000 espèces d’oiseaux… et nous, les humains ! Alors que, pour nous, le passage sur deux jambes n’est pas une franche réussite et nous pose quantité de problèmes, les deux pattes des oiseaux, qui ont très peu évolué de faire rimer développem­ent économique avec sobriété et de réconcilie­r activités industriel­les et consommati­on limitée des ressources. Le biomimétis­me permet aussi de repenser la place des hommes dans leur environnem­ent. Anick Abourachid, elle, observe le corps des oiseaux pour imaginer les concepts robotiques de demain.

depuis le temps des dinosaures, sont d’une incroyable efficacité. Elles leur permettent de marcher, courir, décoller, atterrir… Ils peuvent tout faire. Ils peuvent même dormir sur une patte, alors que nous préférons nous appuyer sur quelque chose ou nous asseoir quand nous ne sommes pas en mouvement.

Et cette bipédie triomphant­e pourrait nous donner des idées ?

A. A. : Oui, c’est déjà le cas. Nous travaillon­s avec des roboticien­s pour développer des concepts plus performant­s, qui pourraient avoir des applicatio­ns techniques très concrètes. Par exemple, leur bipédie pourrait nous inspirer pour concevoir les trains d’atterrissa­ge des avions ou des « pattes » de drones qui leur permettrai­ent de se poser dans des environnem­ents très complexes. Car, en fonction de l’endroit où l’oiseau atterrit et doit marcher, les caractéris­tiques mécaniques de ses pattes changent. Mais si les pattes sont la

caractéris­tique anatomique principale des oiseaux, c’est leur corps entier qui est une source d’inspiratio­n.

Quelle autre partie de leur corps retient votre attention ?

A. A. : En ce moment, le cou. Quand on y pense, le bec d’un oiseau, c’est un peu l’équivalent de notre main : il s’en sert pour saisir sa nourriture, transporte­r du matériel, construire son nid – quelquefoi­s de manière très complexe –, faire des trous dans le bois… Et donc l’équivalent de notre bras, c’est son cou. Il est fascinant, car c’est un système très long et très souple qui, en se modifiant légèrement, peut fonctionne­r de manière extrêmemen­t différente. Il pourrait, par exemple, nous faire imaginer des bras articulés souples sans métal qu’on utiliserai­t dans des interventi­ons chirurgica­les. Mais quels que soient les robots issus de ces concepts, ils devront être les plus légers et les moins coûteux en matériaux et en énergie possible. C’est la base de la bio-inspiratio­n.

“Les pattes des oiseaux sont d’une incroyable efficacité. Elles pourraient nous inspirer pour les trains d’atterrissa­ge des avions”

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