MA FILLE, MA BATAILLE
C’est un film sombre, tourné dans un sublime noir et blanc. Un film elliptique et mystérieux, tel un souvenir entêtant. La jeune réalisatrice Melina Leon s’est directement inspirée d’un fait divers survenu au Pérou dans les années 1980 – un trafic d’enfants volés – pour raconter l’histoire, fictive mais emblématique, de Georgina, son héroïne.
Cancion Sin Nombre saisit cette jeune femme indigène, très enceinte et très pauvre, alors qu’elle est en train de vendre ses légumes au marché de Lima. Bientôt, une annonce à la radio attire son attention : une clinique lui offrirait une assistance médicale gratuite pour la naissance de son enfant. Elle s’y rend, met au monde une petite fille… qui lui est immédiatement enlevée. À peine le temps de comprendre qu’elle est mise à la porte. Plus de bébé, et très vite plus de clinique non plus : l’arnaque est totale, effroyable. Surtout que dans ce pays miné par la guerre civile et la corruption, les autorités (police, justice) sont en grande partie complices de ces activités criminelles. Georgina, femme démunie mais obstinée, n’aura de cesse pourtant de vouloir retrouver son enfant, associant sa quête à celle d’un journaliste très indépendant…
Attention, Cancion Sin Nombre ne se place pas dans le sillon nerveux de Spotlight, ni même dans celui des Hommes du président, célèbres thrillers américains consacrés à l’investigation journalistique (et à ses vertus) ! Plus austère, plus taiseux, il n’en demeure pas moins captivant. Ses choix esthétiques affirmés, de même que sa lenteur volontaire, donnent une visibilité émouvante à ses protagonistes, jusqu’alors marginalisés, voire niés par une société inégalitaire et oppressive. Il leur restitue pleinement une existence, un visage, une identité.
Cancion Sin Nombre, de Melina Leon. Sortie le 18 mars.