Une chambre à soi
DE VIRGINIA WOOLF
Moi qui dévore les bouquins en temps normal, j’ai beaucoup de mal à lire en ce moment. Le seul qui parvienne à se frayer un chemin jusqu’à mes neurones, c’est celui-ci, mon livre doudou, mon repère depuis des années. Je l’ai relu cent fois, à l’envers, à l’endroit, dans le désordre, en VO et dans différentes traductions (notamment la plus récente, ma préférée, par Marie Darrieussecq, qui en a fait Un lieu à soi). J’aime ce livre d’abord, pour la plume de Woolf, ce flot continu et indiscipliné qui fait qu’on l’écoute plus qu’on ne la lit. Je suis amoureuse de son autodérision et de son cynisme qui frise l’insolence. Et puis, sur le plan politique, c’est de la bombe. Tout est là. Le poids de la charge domestique, l’écrasement économique des femmes, le mansplaining, les boys clubs, l’invisibilisation, le sexisme intériorisé. Et cette certitude qui résume le livre : une femme ne peut pas créer sans une chambre à elle et une rente d’argent. En ces temps où nos espaces intimes se sont réduits comme peau de chagrin et où la crise économique frappe de plein fouet les plus précaires, donc les femmes, ce message, c’est déjà une résistance, presque une révolution !
Traduit de l’anglais par Marie Darrieussecq. Éd. Denoël/Coll. Empreinte, 176 pages, 13 euros, 2016.
Nota bene : En ce moment, n’hésitez pas à réécouter les émissions du studio Nouvelles Écoutes. Notamment Et toi ça va ?, qui prend le pouls de nos états d’âme en temps de confinement.