Causette

L’évasion nuptiale

- Par SARAH GANDILLOT

Chaque mois, Causette donne la parole à un duo sentimenta­l pour comprendre comment les visions divergente­s de chacun·e n’empêchent pas (toujours) le ménage de tourner. Laura vivait à Paris, Lucas à Bruxelles (Belgique), tous deux photograph­es. Hasard de la vie, le coronaviru­s les réunit dans une maison bruxellois­e. Puis ils se marièrent en plein confinemen­t et firent beaucoup d’images ensemble.

Laura 31 ans

« Lucas et moi, on a fait la même école de photo à Bruxelles. Mais pas la même année. Il est plus jeune que moi. On ne se connaissai­t pas. En août dernier, il m’a écrit pour des conseils profession­nels. Je sortais d’une rupture difficile, j’étais très déprimée. Donc je n’ai pas trop donné suite. Quelques mois plus tard, j’étais de passage à Bruxelles pour un projet photo. Or l’un de ses huit colocs travaille avec moi dessus. Je me retrouve donc par hasard à squatter dans leur maison. Mes échanges avec Lucas sont frictionne­ls. Je me dis que, vraiment, je n’aime pas ce mec. Et puis, un soir, on sort tous ensemble. Là, on parle pendant deux heures et je me rends compte qu’il me plaît. Le soir même, je lui écris sur Instagram pour le lui dire.

Quelques jours plus tard, je fête mon anniversai­re dans un bar. Il vient. Trois semaines après, il est à Paris pour voir son père à l’hôpital et me demande si je peux l’accueillir. On a passé quarante-huit heures à se rencontrer. Il y a eu beaucoup de tendresse. Puis il est reparti. On s’est beaucoup écrit.

Quelques jours avant le confinemen­t, j’étais retournée à Bruxelles pour le boulot. La nouvelle est tombée. Il fallait choisir où se confiner. Il m’a proposé de rester. Au départ, c’était bizarre, puis c’est devenu très simple. Et je ne sais plus comment c’est arrivé, mais, assez vite, nous avons décidé de sceller cette rencontre en organisant une cérémonie de mariage à la maison. C’était aussi une façon de célébrer le printemps, de fêter l’équinoxe. Un beau rituel de renouveau !

Le mariage était le samedi, on l’a préparé toute la semaine. Distribuer les faire-part dans les boîtes aux lettres des voisins, choisir le témoin, préparer les couronnes de fleurs. Le jour J, les voisins étaient au balcon. Ils nous ont offert des masques en guise de cadeau de mariage et des gâteaux qu’ils ont fait descendre à l’aide d’une corde. On a mangé des space cakes, fait un karaoké Dalida, ouvert le bal sur Grease. J’ai trouvé en Lucas un partenaire de jeu idéal. Et je suis vraiment tombée amoureuse. Dans ces circonstan­ces si exceptionn­elles, je crois que la vie nous a offert un espace de création d’amour. J’ai rarement été aussi heureuse, ce qui est étrange à vivre quand le monde autour va si mal. Je me sens comme une miraculée. »

Lucas 24 ans

« À l’école, on nous parlait de Laura comme d’un exemple à suivre. Elle a fait des trucs assez cool en photo, alors, il y avait une certaine aura autour d’elle. C’est pourquoi je l’ai contactée pour des conseils pros. Mais elle m’a envoyé bouler et j’étais outré ! Du coup, quand on s’est rencontré, je lui suis un peu rentré dedans. Bref, ça a très mal démarré entre nous. Puis on s’est apprivoisé et le corona a tout accéléré.

L’idée du mariage part sans doute d’une blague, je ne sais même plus. Dans l’absolu, je ne suis pas dans l’attente de ce moment. Mais le projet m’a amusé. Au début, je ne voulais pas parler du fond ni de ce que ça signifiait pour nous. Finalement, j’ai quand même eu envie de savoir si c’était juste un délire lié au confinemen­t pour nous divertir ou si c’était plus que ça… On en a donc discuté et on s’est dit qu’à ce stade, c’était un symbole et qu’on verrait plus tard la significat­ion que cela prendrait pour nous. Mais la veille du mariage, on s’est clairement rendu compte que, pour nous deux, ce n’était pas qu’un jeu. C’est étrange, mais je me sens marié. Peutêtre pas aux yeux de la société, mais j’ai quand même annoncé la nouvelle à mon frère, à mes proches, qui ont suivi la cérémonie en live vidéo. C’était assez émouvant au final. Ça réinterrog­e ce que signifie le mariage. Tout dépend des voeux qu’on y met finalement. En soi, oui, ça avait quelque chose de sacré. Moi, j’étais à l’étage, à la fenêtre, et Laura est arrivée par le jardin, qu’elle a traversé pour monter. Je n’avais pas vu sa robe avant. Notre marieuse, Fanny, une des colocs, avait préparé un petit discours. Plutôt que de nous demander de nous jurer fidélité, elle a dit : “Est-ce que vous promettez de vous désirer ?” C’est fort, je trouve.

Tout ça a été hyper spontané, mais de fait, nous sommes très heureux. Et comme nous sommes photograph­es, nous avons aussi créé des images autour de cet événement. Mais il est vrai que se confiner ensemble était un pari fou. On vit l’un avec l’autre 24 heures sur 24 alors qu’on se connaissai­t à peine. Mais ça se passe extrêmemen­t bien et très naturellem­ent. Je crois que je n’aurais pu faire ça avec personne d’autre que Laura. Elle seule est capable de vous embarquer comme ça dans son univers.»

“Dans ces circonstan­ces si exceptionn­elles, la vie nous a offert un espace de création d’amour”

“On s’est rendu compte que ce n’était pas qu’un jeu. C’est étrange, mais je me sens marié”

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