ALICE FERNEY

POSSESSIONS INTIMES

C’est un huis clos qu’on ne lâche pas. Un jeu de chaises musicales, amoureux et machiavélique, dont on cherche à anticiper chaque mouvement, à traquer chaque intention. Tout se passe au sein d’un même immeuble, entre un homme et cinq femmes, dans le Paris d’aujourd’hui. Au centre du jeu, Alexandre, élégant architecte aux airs de père de famille idéal, et la voisine du dessous, Sandra, une célibataire féministe au franc-parler jubilatoire. Lorsque le livre s’ouvre, il toque chez elle, effaré, dévasté, devant affronter l’insoutenable : annoncer à son petit garçon de 5 ans que sa petite soeur vient de naître, mais qu’il ne reverra plus jamais sa maman. Le petit a passé la nuit chez Sandra en attendant le retour de ses parents. Pour Alexandre, la voisine se mue alors en confidente, il se déclare coupable. Celle-ci a beau le rassurer, lui dire que près de cent femmes meurent en France chaque année en accouchant, il persiste, s’accuse. Mais de quoi exactement ? C’est toute la question et le mystère du livre. D’avoir trop aimé cette femme qui refusait de l’épouser ? D’avoir voulu « la posséder en entier » ? Jusqu’où peuvent mener ces microviolences innocentes d’une vie conjugale « banale » ?

Écrivaine du détail, obsédée par l’engrenage subtil de la possession amoureuse, Alice Ferney ne donne aucune réponse facile, mais accède avec L’Intimité au sommet de son art en portant très haut la réflexion sur le ventre des femmes. Un livre dont on sort transformé·e.

L’Intimité, d’Alice Ferney. Éd. Actes Sud, 368 pages, 22 euros.