BERNARDINE EVARISTO
VOIX NON BINAIRE
Peut-être le livre le plus déconcertant de la rentrée. L’action tient en une soirée, mais fait résonner des siècles d’histoire en mettant en scène douze personnages, presque tous noirs ou métis, femmes ou non-binaires, âgés de 19 à 93 ans. Bernardine Evaristo, devenue en 2019 la première femme noire à recevoir le Man Booker Prize, nous fait entendre ces voix si rarement audibles, qui sont autant de combats, de désirs, de craintes et de rêves.
Il y a Amma, comédienne polygame lassée des rôles d’esclave et devenue une dramaturge de renommée internationale. Dominique, son âme soeur afro-indo-guyanaise, amoureuse de Nziga, une Afro-Américaine ultra engagée et inspirante. On rencontre aussi Yazz, la fille d’Amma qui, à seulement 17 ans, se définit comme « en partie goth des années 1990, en partie post-hip-hop, en partie pute, en partie extraterrestre » et traite sa mère de
« féminazie », lui expliquant que ses combats seront bientôt dépassés dans un monde appelé à devenir non genré. Avec ses copines, ses
« sistah », elles s’interrogent sur leur identité, leur sensualité, leurs origines, rêvent parfois d’avoir la peau blanche ou parfois plus foncée. Oscillant entre des discussions superficielles et essentielles, elles s’affirment sans Dieu ni maître et n’ont pour objectif que de s’engendrer elles-mêmes en restant
« ensemble ».
Lectrice de Toni Morrison, Bernardine Evaristo nous offre un morceau de jazz littéraire époustouflant, une improvisation libre sans morale ni partition.
Une oeuvre captivante.
Fille, femme, autre, de Bernardine Evaristo, traduit de l’anglais par Françoise Adelstain. Éd. Globe, 480 pages, 22 euros. Sortie le 2 septembre.