Causette

ALEXANDRA DEZZI

MOTS UPPERCUTS

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On ne connaîtra jamais son nom à elle, ses amants ne sont que des numéros et ses mots sont des coups. Telle est la protagonis­te de La Colère. Une jeune Parisienne d’aujourd’hui. Elle est rappeuse, elle peine sur son nouvel album, écrit un roman, suit une psychanaly­se et, surtout : elle passe des heures à s’entraîner sur les rings de boxe, où, justement, elle rencontre les corps, ceux des hommes, se mesure à eux avant d’en mener certains vers d’autres lits. La Colère érotise tous les corps-à-corps, sexuels comme pugilistiq­ues, solitaires comme à deux : « Te branler ou te muscler revient à la même chose, c’est une façon de nier la mort », déclare la narratrice. Ce tu, cette voix, ajoute d’ailleurs au trouble, car vous mettrez du temps à comprendre d’où elle parle exactement. Et pourquoi. Quelque part entre Louis Calaferte, Nina Bouraoui et des autrices actuelles comme Constance Debré ou Blandine Rinkel, Alexandra Dezzi déploie une écriture excitante, provocante, pour un face-à-face avec son propre sujet (désir, confiance, dépossessi­on de soi). S’il n’y avait cette énergie splendide, ce deuxième roman (après Silence, radieux, éd. Léo Scheer, 2018) ne serait qu’autofictio­n : Dezzi est, elle aussi, musicienne (elle a formé avec sa soeur le groupe rap électro Orties, un album au compteur et un second jamais fini) et autrice. Mais La Colère évite les pièges du roman de désir, pour vous prendre au col, vous frapper l’esprit, et devenir un texte étourdissa­nt, en mouvement, en urgence.

H. A.

La Colère, d’Alexandra Dezzi. Éd. Stock, 224 pages, 18,50 euros.

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