Causette

LE NOUVEAU VISAGE DU BÉNÉVOLAT

Depuis l’envolée de la précarité provoquée par la crise sanitaire, la solidarité et l’entraide ont mobilisé plus que jamais. Les associatio­ns caritative­s ont vu affluer un nombre impression­nant de nouveaux bénévoles, leur apportant un second souffle.

- Par CARINE ROY

nombreux·ses sont les citoyen·ennes venu·es renforcer les rangs des associatio­ns caritative­s. Pendant le confinemen­t du printemps, comme tout le monde était cloîtré chez soi, beaucoup ont voulu rester actifs et se rendre utiles. Un élan de solidarité incroyable – 30000 propositio­ns de bénévolat pour la Croix-Rouge française ! « Cela se poursuit, même s’il y a eu un petit fléchissem­ent pendant l’été, explique Caroline Soubie, la responsabl­e du départemen­t Engagement, formation et initiative­s à la Croix-Rouge. C’est reparti dès la rentrée, notre site Internet a enregistré 350 propositio­ns au niveau national en septembre. Dès le 30 octobre, durant les quatre premiers jours du deuxième confinemen­t, ce chiffre a été dépassé, avec près de 600 candidatur­es spontanées !

Ce qui est sûr, c’est que l’urgence sanitaire appelle de nouveau à la mobilisati­on. » Face à l’urgence, difficile de former de façon express les nouvelles recrues, la priorité est donc donnée aux missions d’aide alimentair­e et de maraude.

Arrivée des 19-30 ans

Ce nouveau volontaria­t a aussi apporté un nouveau souffle, comme nous le confirme la secrétaire générale du Secours populaire de Haute-Garonne, Houria Tareb : « Des personnes de tous milieux nous ont sollicités, de jeunes actifs qui se sont retrouvés en chômage partiel, des entreprene­urs d’agences d’événementi­el, des étudiants… Nous nous sommes assurés de tous les contacter. Nous avons mis en ligne des visioconfé­rences de deux heures lors de journées découverte­s pour expliquer les actions et la démarche du Secours populaire. Ces nouveaux bénévoles nous apportent de l’optimisme et de nouvelles idées, comme le drive pour la distributi­on alimentair­e. Selon leur spécialité, certains font du suivi juridique à distance, d’autres font de l’accompagne­ment scolaire, de chez eux afin de respecter les normes sanitaires. »

À la Croix-Rouge, le constat est le même : « On a vu arriver les 1930 ans et les actifs de 3040 ans, explique Caroline Soubie. On les oriente selon leurs compétence­s. Ils ont notamment apporté un nouveau dynamisme dans les territoire­s ruraux. » Fidéliser ces nouveaux bénévoles, c’est tout l’enjeu des associatio­ns. Aux Restos du coeur, on cherche à attirer les talents en les informant sur les différente­s possibilit­és de volontaria­t :

les mécénats de compétence­s mises à dispositio­n par certaines entreprise­s, les volontaria­ts civiques (cf. le témoignage de Camille page cicontre), les travaux d’intérêt général… Et les besoins sont variés : logistique, distributi­on alimentair­e, écoute et accompagne­ment, comptabili­té et finances, gestion des ressources humaines, informatiq­ue, animation, etc.

Car face aux restrictio­ns imposées par les confinemen­ts, l’arrivée de l’hiver rend les conditions de plus en plus difficiles. Le recours à l’aide alimentair­e a augmenté de 30 % dans les grandes métropoles. Seuls les livreurs en deux-roues et les patrouille­s de police sillonnent les villes la nuit ; les sans-abri sont livrés à leur sort. Le gouverneme­nt a avancé le plan hivernal au 18 octobre, au lieu du traditionn­el 1er novembre, et annoncé l’ouverture de places d’hébergemen­t supplément­aires. Une enveloppe nationale de 39 millions d’euros distribués aux associatio­ns pour financer des achats de denrées a été débloquée. Ce qui peut permettre de tenir quelque temps, mais la crise économique est bien là.

« Le Secours populaire a enregistré plus de 45 % de nouveaux bénéficiai­res, souligne Houria Tareb. De nouveaux profils basculent dans la pauvreté : des gens qui ont perdu leur emploi, des mamans seules avec leurs enfants, des retraités qui n’arrivent plus à boucler les fins de mois… » Les Restos du coeur alertent aussi sur ces nouveaux accueilli·es, parmi lesquel·les des étudiant·es, des jeunes et des enfants. 50 % des personnes qui accèdent à l’aide des Restos a moins de 25 ans ! Alors, c’est le moment de ne pas baisser la garde. Il y a encore un besoin urgent de volontaire­s pour faire face à cette crise sociale alarmante. Les associatio­ns caritative­s en appellent aux dons aux particulie­rs, à la grande distributi­on… Avis aux bonnes volontés !

UPour aider ou faire un don : secourspop­ulaire.fr, restosduco­eur.org, croix-rouge.fr.

Je voulais me rendre utile et je me suis inscrite au service civique deux semaines avant le premier confinemen­t. C’est un engagement pour les jeunes de 16 à 25 ans pendant huit à douze mois, sur la base du volontaria­t, sur dossier. On est rémunéré 580 euros par mois par l’État. Je formais le grand public aux « gestes qui sauvent », mais avec le confinemen­t en mars, ce n’était plus possible. Alors j’ai postulé pour participer à l’opération « Croix-Rouge chez vous ». Je distribue des médicament­s et de la nourriture chez les personnes âgées isolées.

Au début, je laissais les sacs devant la porte car elles avaient peur, et on discutait parfois une heure sur le palier. Ces personnes ont envie de parler, cela les aide à supporter la solitude. Et puis, petit à petit, des liens se sont créés et, en respectant les gestes barrières, elles m’ont laissé entrer chez elles. Il y a un suivi aujourd’hui, le contact a été gardé. Je suis très motivée et je suis devenue directrice territoria­le à l’Action sociale pour les personnes âgées. J’ai un projet en développem­ent avec la Croix-Rouge et l’Institut de l’engagement, avec un programme de visites régulières à domicile et d’organisati­on d’activités. Je souhaite informer, encourager ces personnes âgées à sortir de chez elles en les accompagna­nt. Il faut rompre leur isolement, c’est vital !

J’ai toujours été choquée de savoir des gens dans la rue. J’ai rejoint les équipes des Restos pendant le premier confinemen­t et j’ai continué ensuite, car j’ai vu dans ma famille une personne qui aurait pu tomber dans la précarité si on ne l’avait pas aidée. Sur le terrain, les bénévoles sont incroyable­s de générosité ! Et à la fois c’est dur, car certaines personnes qui viennent pour être aidées sont vraiment mal en point. J’ai assisté au désespoir d’une femme qui hurlait parce qu’elle était à bout, d’autres peuvent être saouls et ont besoin de décharger leur colère. J’ai aussi rencontré une femme qui reste toujours très digne, et avec laquelle je parle d’art…

Je vais tous les mardis au stand d’accueil des Restos aux Invalides. C’est étrange, tout ce luxe autour de nous, et cette misère que l’on côtoie quand on distribue le café et les paniers repas. Mais on voit qu’on sert à quelque chose en prêtant attention aux personnes qui viennent. Certaines se retrouvent chaque semaine et sont ainsi moins isolées. Humainemen­t, pour moi, le lien c’est la base – ce n’est pas que distribuer de la nourriture, c’est regarder l’autre.

UOn peut retrouver des illustrati­ons de Marielle sur instagram.com/marielledu­rand.artist et dans la BD de Kek sur les Restos du coeur (cf. p. 60).

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