On l’attendait

ce #MeToo de l’enfance abusée. C’est triste à dire, mais on l’attendait. On savait que la vague grossissait et que quand elle serait prête, bien formée, bien solide, bien puissante, elle déferlerait comme un tsunami. Ce moment est arrivé.

« J’avais 5 ans. En une soirée, ce frère de ma mère a bouleversé ma candeur […] En une seconde j’avais 100 ans. » / « J’avais 14 ans quand mon beau-père qui était aussi mon coach sportif a commencé, ça a duré 10 ans, 7 j/7, 24 h/24 à sa disposition. Esclavage en tout point. » / « J’avais 8 ans. Puis 9, puis 10. C’était mon oncle. Et il m’a fallu trois jours pour réussir à écrire ça, presque trente ans après. » / « J’avais 7 ans, c’était mon cousin. C’est arrivé si souvent jusqu’à mes 11 ans. J’ai réussi à en parler à Noël à 2 personnes de ma famille 20 ans après. Il m’a traumatisée. »

Des dizaines de milliers de Tweet sous le hashtag #MeTooInceste sont apparus. En un week-end, la déferlante. Et peut-être la fin d’un si long silence ? Car jusqu’ici le vrai tabou de l’inceste, c’était celui d’en parler, pas de le commettre. Et c’est bien à cela qu’il faut définitivement remédier. La fin de l’impunité est en marche et rien ne pourra l’arrêter. La honte a changé de camp.

Mais, au-delà du dégoût et de la tristesse que toute cette souffrance dévoilée au grand jour engendre, il faut noter que, une fois encore, ce sont les femmes qui font bouger les lignes. Encore elles qui ont le courage de se battre, de hausser la voix, de briser l’omerta, de prendre tous les risques. La force de l’une donne du courage à une autre, puis à une autre, dans une grande chaîne sororale qui aura, un jour, définitivement la peau du patriarcat. S’il n’y avait pas eu #MeToo, peut-être qu’il n’y aurait pas eu Adèle Haenel. S’il n’y avait pas eu Adèle, Vanessa Springora aurait-elle sorti son livre ? Si Vanessa n’avait pas permis de déboulonner un supposé intouchable, Camille Kouchner aurait-elle eu le courage de dénoncer son puissant beau-père ?

La révolution est en marche. Et ce sont définitivement les féministes qui mènent la danse. Qu’on se le tienne pour dit : plus rien ne nous arrêtera.