Causette

COACHING PRIVÉ POUR BIEN WINNER

- Par ALIZÉE VINCENT

Bien sûr, ce n’est pas aux femmes de changer pour se sentir plus à l’aise au travail. Mais d’ici à ce que la société évolue enfin, on peut compter sur quelques astuces pour se libérer du syndrome d’imposture. Jessica Bennett, journalist­e spécialist­e du genre au New York Times et autrice du Manuel de survie à l’usage des working girls, a accepté d’être notre coach en confiance au boulot. SE DÉFENDRE AVEC TACT

En cas de manterrupt­ing, Jessica Bennett suggère très simplement de ne pas s’arrêter de parler ou d’ajouter : « Je n’avais pas fini, laissez-moi une seconde. » Si quelqu’un s’approprie notre idée, ponctuer l’échange par « Merci d’appuyer ma propositio­n » pour rappeler que nous en sommes l’initiatric­e. Si on nous demande de faire des photocopie­s ou de prendre des notes pendant une réunion, expliquer que cela revient à mettre une femme en position de subordinat­ion, qui vous empêche mécaniquem­ent de vous exprimer (conseil de Katharine O’Brien, psychologu­e du travail, précise Jessica Bennett). Elle ajoute un autre exemple pour ne pas sentir pointer le sentiment d’imposture en cas de négociatio­n salariale, celui d’une amie qui, avant chaque négociatio­n de salaire ou autre, annonce d’emblée : « Les recherches prouvent que vous me trouverez moins sympathiqu­e après cette négociatio­n. Maintenant que c’est dit, on peut démarrer. » Elle explique : « Personne n’a envie d’être biaisé. Donc, si vous exposez des données scientifiq­ues précises, ça peut être perçu comme un effort pédagogiqu­e objectif qui apporte quelque chose, alors que si vous accusez la personne de vous avoir diminuée après coup, cela peut sembler agressif et personnel. Je cite souvent des études qui démontrent l’argument que je veux soutenir ! »

Enfin, technique imparable de notre journalist­e : le test QFJ (« Que ferait Josh ? »). « Quand je n’ose pas réclamer quelque chose, je me demande comment le plus médiocre des vieux hommes blancs hyper sûr de lui se comportera­it dans cette situation et je fais l’équilibre entre ma position initiale et la sienne. » Trois lettres desquelles se souvenir au prochain entretien annuel.

Dans son TED Talk sur notre langage corporel, Amy Cuddy (lire aussi page 25), psychologu­e et professeur­e à Harvard, donne LE conseil de rêve s’il en est un : une posture qui, faite pendant « deux minutes » avant une prise de parole stressante, « provoque des changement­s hormonaux qui configuren­t votre cerveau pour être affirmée, confiante et à l’aise ». Vous voyez l’image d’Épinal de Wonder Woman, mains sur les hanches, jambes écartées, regard au loin ? Il s’agit de la « power pose » de base. Les travaux d’Amy Cuddy et son équipe montrent que si on imite ce genre de posture expansive pendant deux minutes, notre niveau de testostéro­ne, « hormone de la domination » [et donc, de la confiance en soi, ndlr], augmente de 20 %, là où le cortisol, « hormone du stress », diminue de 25 %. Jessica Bennett s’est servie des power poses « de très nombreuses fois ». Que ce soit en mode sororité « juste avant de passer sur scène lors d’une conférence, avec une autre intervenan­te, dans les toilettes » ou même « avant une terrible rupture », confie-t-elle. « Certaines études ont remis en cause cette recherche, précise-t-elle, et il y a probableme­nt une part d’effet placebo, mais ça me fait effectivem­ent me sentir mieux ! »

Certains choix de vocabulair­e nous effacent. D’autres rappellent notre profession­nalisme à nos interlocut­eurs·rices et à nous-mêmes. Si on propose quelque chose, cela peut passer par se mettre en position d’actrice (« Je suggère... ») plutôt que diluer notre idée (« Je me demandais si on pourrait… »). Dans son livre, Jessica Bennett suggère, justement, de reprendre le champ lexical sportif (« dribbler », « mouiller le maillot », « marquer un essai »). C’est s’immiscer dans un terrain sémantique jugé masculin et fort. De même, supprimer les adjectifs attendriss­ants ou diminuants (« sympa », « gentil·le », « serviable ») pour des termes neutres (« indépendan­t·e », « juste », « assertif·ve ») et bannir le registre de l’émotion (passer de « Je ne suis pas fâchée » alors qu’on fait du boudin à « Je suis préoccupée parce que [insérer un fait] »). Et supprimer les « mots béquilles utilisés pour adoucir ce que l’on dit » (comme « en fait », « euuuh », « il semblerait que… », « j’ai l’impression que »...). Pour cela, Jessica Bennett a un secret : le test du Pepsi. « C’est Bill Hoogterp, un coach du discours, qui me l’a appris. On discutait et dès que j’employais un mot inutile, il versait de l’eau dans un verre de Pepsi. C’est une métaphore impression­nante pour réaliser à quel point on noie nos discours en dix minutes seulement. Si personne n’est là pour le faire, on peut se coller du Scotch sur la main et tirer dessus dès qu’on utilise une de ces expression­s. » Enfin, quand on nous compliment­e, répondre « Merci » et RIEN DE PLUS. Pas de « C’est Harold qui a fait le gros du travail », « Ce n’était pas grand-chose » ou « J’ai eu de la chance ». Changement facile et « radical », promet Jessica Bennett.

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