3 questions à… Marie-Pierre Badré
Marie-Pierre Badré, présidente du Centre Hubertine-Auclert, organisme francilien pour l’égalité femmes-hommes
Causette : Lyon et Rennes veulent adopter un « budget genré », aussi appelé « budgétisation sensible au genre ». De quoi s’agit-il ?
Marie-Pierre Badré : Ce concept est apparu au Québec en 1984 sous le nom de « budgeting gender ». Ce n’est pas un budget supplémentaire consacré aux femmes, mais, simplement, un outil permettant d’évaluer les budgets existants dans une perspective de genre, afin de voir si un investissement public conduit à renforcer ou, au contraire, à corriger les inégalités. Cela étant, je préfère parler de « budget intégrant l’égalité » (BIE).
Concrètement, qu’est-ce que ça peut changer dans la vie d’une collectivité ?
M.-P. B. : Par exemple, on ne va plus accorder de subventions à une association sportive si elle ne favorise pas l’émergence d’une équipe féminine dans sa discipline. Ou alors, si on constate que les skateparks financés par l’argent public sont exclusivement utilisés par des garçons, on incitera davantage les filles à s’y rendre – c’est le cas à Genève. Jusqu’à présent, la ville était faite par les hommes. Or le fait d’avoir une attention particulière sur les enjeux d’égalité conduit à améliorer la ville pour tout le monde.
La budgétisation intégrant l’égalité est recommandée par plusieurs instances internationales (Conseil de l’Europe, ONU Femmes). Où la France en est-elle ?
M.-P. B. : Certaines collectivités le font déjà en partie : le département de la Seine-Saint-Denis (sur sa politique culturelle), la ville de Montreuil (sur sa politique sportive) ou celle de Bordeaux [pour les sports et les loisirs, ndlr]. Mais on est très en retard au regard de pays comme l’Autriche, l’Allemagne, l’Espagne ou la Tunisie, qui ont déjà largement adopté le BIE.