Causette

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Son compte Instagram est un concentré de bonne humeur. Journalist­e, influenceu­se et écrivaine sans filtre, elle a plus d’une corde à son arc.

- Propos recueillis par THIPHAINE THULLIER ET ALIZÉE VINCENT

Remettre des paillettes dans nos vies

Dieu que la traversée est longue ! Plus d’un an déjà que nos vies sont confinées, rétrécies, ternies. Quand elles ne sont pas meurtries. Alors chez Causette, on s’est retroussé les manches pour participer, à notre niveau, à l’effort collectif, pour vous redonner goût à la vie et confiance en l’avenir (oui, c’est aussi notre slogan pour 2022). Nous avons tendu notre micro virtuel à des artistes, écrivain·es, cinéastes, humoristes et autres trublions sachant savourer les petits riens de l’existence et sublimer le quotidien afin qu’ils et elles nous livrent leurs astuces pour refaire scintiller nos vies.

« La douceur fait que je peux m’émerveille­r. Le bonheur ne peut pas se défaire d’une part d’indulgence. Indulgence envers les autres et envers soi-même. L’autre jour, j’avais un rendez-vous dans Paris. Eh bien, dans la rue, l’architectu­re des fenêtres était tellement belle que j’ai osé le décaler pour m’accorder trois quarts d’heure de flânerie, en essayant de me souvenir du temps où j’étudiais…

Pour être heureuse, aussi, je range. Faire le tri, c’est se libérer des strates de nous que nous avons entassées et qui ne sont plus nous. Je “range” aussi ma journée. En particulie­r, les moments où je touche au téléphone. Ils sont remplacés par la littératur­e. Je la garde à portée de main. Il y a le Journal de Delacroix à côté de mon lit. Je travaille beaucoup le dimanche pour avoir le sentiment d’avoir volé le lundi à l’ordre du temps. Et à 18 heures, j’imagine qu’une porte s’ouvre. Un temps à moi. Je mets une sublime robe un peu longue, je suis pieds nus et je fais comme si j’étais en terrasse. Je dresse la table, avec de la très jolie vaisselle genre coquetiers en argent trouvés sur Le Bon Coin.

Quand j’ai un énorme coup de mou, j’achète des fleurs – des anémones, un truc pas cher, mais royal –, je mets le corps au repos et je me lis des Agatha Christie. Quand le cerveau trouve ce qui ne va pas dans le roman en dénouant l’intrigue, je trouve ce qui ne va pas en moi. Il y a aussi les Notes de chevet, de Sei Shonagon. Elle vivait au Japon au Xe siècle et faisait des listes de tout ce qu’elle remarquait. Du type “choses qu’on ne peut pas regarder deux fois sans pouffer de rire”. Ces listes qui viennent d’un passé si lointain aident à relativise­r notre époque.

Changer ses draps, enfin. Ça coûte rien ! Et un drap de lit blanc c’est sensationn­el ! »

« On a beau tordre la réflexion dans tous les sens, ce dont on a besoin en ce moment, c’est d’amour. Aimer et être aimé. Ça passe par des petites attentions : offrir un jouet, des cartes Pokémon à ses enfants. Entre adultes, tenter d’obtenir du glamour. Mettre un peu de Marvin Gaye ou de Snoop Dogg – il a un côté hyper sensuel que j’aime bien. En dehors de l’amour, la drogue et l’alcool peuvent beaucoup de choses : un peu de boisson, pas de réflexion et la joie peut naître !

Il y a aussi des vérités dans des trucs archi quotidiens. En réfléchiss­ant à la vie domestique, j’ai commencé à trouver le liquide vaisselle beau. À un moment, j’en avais un jaune fluo bien épais. Cette transparen­ce colorée… Il me faisait rêver, comme les yoyos fluos de quand j’étais petit. Dans la salle de bains aussi, les jolis flacons remplis de jolis liquides. On peut prendre un plaisir fou à admirer tout ça. À constater que son salon est bien rangé, puis s’allonger sur son canap.

Descendre un paquet de Pim’s. Penser à des choses plus grandes. Quand le robot s’est posé sur Mars [la sonde Perseveran­ce, le 18 février, ndlr], j’ai passé une super soirée. Réfléchir au cosmos, réaliser que l’univers continue de grandir, qu’il y a des trous noirs… Ça crée un espace de noblesse dans l’esprit, même si on est frivoles par ailleurs.

Pour fonder un monde postCovid plus heureux, plusieurs propositio­ns pour terminer : que les Daft Punk se reforment. Que le Club Med soit gratuit. Les campings aussi. Les sucreries et le chocolat aussi. Et qu’on arrête enfin d’être pressés. »

Qui de mieux que Madame « Psychanaly­setoi la face » sur YouTube pour nous aider à comprendre la période que l’on traverse ? Elle vient de sortir un livre, Êtes-vous bien sûr d’être normal ? (éd. Flammarion), qui parle du poids des convention­s. Idéal en ces temps où tout semble cul par-dessus tête.

« Ça me fait marrer de penser aux paillettes parce que je suis au bout de ma vie depuis des mois ! En ce moment, je trouve mon bonheur dans la transgress­ion des interdits et le contournem­ent des règles. Aller chez une pote le vendredi juste avant 18 heures et y rester tout le week-end. Et dans le “click and collect” de petits plats des restos du quartier aussi ! Même si je préférerai­s largement consommer sur place. La bouffe a quand même pris une place centrale ces derniers mois. Fini le houmous en barquette, maintenant, on prépare des bons petits plats quand on se retrouve entre potes. Quand je suis seule, je ne lésine pas sur les saveurs non plus. À défaut de pouvoir s’embrasser, misons sur les plaisirs de la bouche.

Je m’achète aussi plein de fleurs, comme des orchidées un peu étranges et vénéneuses, pour habiller mon intérieur. Je suis une grosse fêtarde en temps normal : j’avais l’habitude de sortir un soir sur deux. Au premier confinemen­t, j’y allais franco sur le mauvais rouge de Franprix et je me suis un peu fait peur. J’ai remplacé par un grand bol de Ricoré au lait devant la télé. Figurez-vous que ça me fait beaucoup de bien ce truc, ça me calme. Je bois toujours de l’alcool, mais je me concentre sur la qualité, en gros, ce que j’achète chez mon caviste. Les petits commerces, c’est vraiment mon refuge. Je peux y rester un long moment pour taper la discute. Je sais plein de trucs sur la gestion des stocks, les aides… Dès que je sens qu’il y a une ouverture pour papoter, pour râler ensemble ou pour se souhaiter bon courage, je fonce. »

« L’année prochaine, je propose qu’on refête tous notre anniversai­re et qu’un décret national nous retire un an d’âge, puisqu’on nous a enlevé cette année. Au quotidien, sinon, j’essaie de multiplier les rencontres. Dès qu’il y a quelqu’un qui me parle dans la rue, je discute, alors que je ne le faisais pas avant. Parfois, j’enlève le masque, parce que mon “beau” à moi, c’est de sourire aux gens et qu’ils me sourient. Et puis je fais des blagues. La moitié du temps, les gens ne comprennen­t pas à cause du foutu masque, mais j’essaie ! Depuis cette année, j’ai des étudiants dans une école d’animation. Pour mettre des paillettes dans leur vie, je leur dis de venir dans mon atelier dès qu’ils veulent. Oui, je brave les règles. J’essaie de sortir faire un petit tour après 18 heures, quitte à me prendre 135 euros d’amende ! C’est vital, ça atténue la colère.

Je prends des bains deux fois par jour, aussi. J’ai cinq gels douche. Je mets une senteur sur tel bras, une autre sur l’autre bras… C’est pas écolo, je sais. Mais ça me donne l’impression de passer un chapitre dans ma journée confinée. Sinon, j’ai essayé à peu près tout ce qu’il y avait dans ma garde-robe. Je m’habille comme si je partais en soirée à 22 heures. Puis je me démaquille et me couche. J’imagine aussi tout ce que je vais faire quand ce sera fini. Ça m’a fait réaliser que cette crise m’a rendue philanthro­pe ! Toutes les fêtes auxquelles je n’aurais pas participé avant, j’irai et je lécherai les bras des gens ! Plus jamais je ne vais leur en vouloir de marcher trop lentement dans la rue ou de crier à trois heures du mat tellement je serai contente. J’achèterai même des pétales pour leur lancer dessus depuis ma fenêtre ! »

« Le truc le plus étonnant, c’est de voir la nature qui reprend ses droits. Quand t’as des oiseaux sur la route qui ne bougent pas même quand la voiture arrive, tu prends conscience que cette période avec moins d’activité est, pour les animaux, un confort, quelque chose de positif. Et que l’homme n’est qu’un parmi les autres. C’est une vraie source de joie.

Se dire aussi qu’à l’échelle d’une vie, un an, c’est tout petit ! Et le pire est derrière nous, car c’est toujours le début qui est le plus difficile. Il n’y a que deux options : soit on va continuer à s’habituer – l’être humain est incroyable­ment résistant –, soit ça va finir par s’améliorer. “Après la pluie, le beau temps”, comme on dit chez nous ! Pendant le Vendée Globe 2008, quand j’ai perdu ma quille, que j’ai chaviré au cap Horn et que je suis resté bloqué dix-neuf heures à l’intérieur du bateau [Jean Le Cam avait alors lui-même été sauvé par son concurrent Vincent Riou, ndlr], je me disais : “Tinquiète pas, Jean, ça va mieux se passer que ce que tu imagines.” Si je ne m’étais pas dit ça, je serais mort. Donc, il ne faut jamais perdre la motivation ! Et c’est toujours dans les situations les plus sérieuses que les fous rires arrivent, car ça demande une dose de décalage.

Ce que je voudrais là, par exemple, c’est monter discretos en haut de la tour Eiffel, la nuit, avec un paquet de pétards. Et là, en haut, je fais un feu d’artifice de malade ! Une explosion, une lumière dans la nuit ! Non seulement j’adorerais, mais, en plus, ça ferait plaisir à tout le monde autour… Ouais, faudrait convaincre les politiques de faire des grands feux d’artifice. Avec trois coups de pétard finaux qui signaleron­t que le Covid est fini : clac clac clac ! »

« Mon apothéose au quotidien, c’est la fin de la semaine. Grâce aux soirées L’appart chez moi, que j’organise sur Zoom depuis le premier confinemen­t. C’est comme une grosse soirée de mariage sans oncle relou. Parfois, même si j’ai pas envie ou le courage, ça remet du baume au coeur pour toute la semaine de voir les gens danser. Il y a un truc qui se passe. On a fait une trentaine de soirées. Depuis, c’est une famille. Certains couples se sont formés. Il y a même des bébés conçus grâce à L’appart chez moi. Le 31 décembre, il y a eu deux-trois demandes en mariage… C’est chouette de voir ce public complèteme­nt mélangé – avec, parfois, des enfants en bas âge, des grands-mères avec leurs petites-filles – rire ensemble.

Et puis il faut se dire que c’est possible de rencontrer quelqu’un pendant cette période. Moi, j’ai rencontré ma copine durant le confinemen­t. Elle m’a écrit. Et voilà ! Ça permet de se rappeler que, quand on est prêt à accueillir une rencontre, il y a toujours moyen d’y arriver ! Mon dernier conseil serait de réécouter des morceaux qui nous ont touchés dans des moments où on perdait pied pour se reconnecte­r à cette sensation de bonheur qu’on a déjà vécue. Ça marche direct, comme un interrupte­ur que t’allumes. Si t’écoutes par exemple Big Up de Diam’s, t’es une warrior et plus rien ne peut t’arrêter ! »

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