Causette

Les choses de la vie

- Par CATHY YERLE

La position de l’autruche

Moi, la pandémie, ça ne me fait rien du tout. J’ai réorganisé ma vie différemme­nt, je profite de l’instant présent, même si j’ai vraiment hâte d’être dans le futur. Je trouve le bonheur dans les petites choses de la vie, comme me le conseille Christophe André avec sa voix de curé un brin crispante, lors de mes longues insomnies.

Oui, j’ai des insomnies. Je crois que c’est à cause de cette gouttière que m’a donnée la dentiste pour m’empêcher de trop serrer mes dents la nuit, quand je dors. Elle pense que c’est sûrement pour ça que j’ai cette tendinite à la mâchoire. Chéri, lui, se couche de plus en plus tard, il dit que ça lui fait peur la gouttière, alors que moi, je ne fais pas de remarque sur sa nouvelle moustache. Du coup, on a une vie sexuelle de panda.

Mais je ne vais pas me plaindre. Je n’ai pas le temps de m’embêter, les enfants m’apportent beaucoup d’occupation­s. De préoccupat­ions aussi. Surtout l’aîné, qui fait sa transition. En loup-garou. Il poursuit ses études supérieure­s à l’étage inférieur, à l’intérieur de sa piaule. Depuis un an. Je ne suis pas dupe, je sens bien l’odeur de ce qu’il fume qui passe sous la porte. Mais je reste zen, ça couvre celle de ses pieds.

J’ai la chance d’être une femme forte. Je ne parle pas des 6 kilos que j’ai pris pendant le premier confinemen­t, mais du nombre de dépression­s en augmentati­on autour de moi, dont je ne fais heureuseme­nt pas partie.

C’est le manque de vie sociale qui me chagrine le plus. En même temps, avec le psoriasis qui est apparu sur mon visage il y a quelques semaines, je ressemble à mon chat quand il avait attrapé la teigne, alors autant rester chez moi, avec mon panda moustachu. Le dermatolog­ue pense que c’est du stress. Ça m’étonnerait beaucoup parce qu’avec tout le yoga que je pratique dans mon salon, je suis d’un calme rarement atteint. Je m’entends même respirer.

Et puis on se fait quand même nos apéros, tous les soirs. Il faut de la régularité et de la routine pour rester accroché à la terre ferme, comme dit mon optimiste de mère. Qui me manque beaucoup parce que comme elle est, paraît-il, « à risque », je pourrais la tuer d’un coup de postillon si je la visitais. Il vaut donc mieux attendre encore un siècle ou deux, que tout soit rentré dans l’ordre. L’ordre ? Ça aussi, ça m’occupe bien. Le rangement, le ménage, le vinaigre blanc, la Javel, le savon de Marseille, le gel hydroalcoo­lique. Tout est nickel. Même si ça irrite Fiston, qui dit avec ses yeux rouges, ses pieds de Hobbit, ses cheveux gras et son sweat tout crado, que je suis devenue maniaque et que je ferais mieux d’aller voir un·e psy. Ce à quoi je lui réponds que c’est l’hôpital qui se moque de la… et on se hurle dessus comme deux chanteurs de métal, puis je vais faire « chien tête en bas » dans le salon et il rentre s’enfumer dans son terrier.

Comme par hasard, en ce moment, je regarde une série sur un vieux psy dépressif qui croit tout savoir, il fait pleurer tous et toutes ses patient·es. Franchemen­t, ça donne pas envie. De toute façon, je vais bien. Moi, la pandémie, ça ne me fait rien du tout.

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