Causette

Chloé Delaume RASSEMBLE SES SOEURS DE LETTRES

- Propos recueillis par SARAH GANDILLOT

Choé Delaume rassemble ses soeurs de lettres

Les éditions Points lancent une collection féministe de livres de poche accessible­s à tous et toutes. Non seulement elles republient des textes majeurs (Le Regard féminin, d’Iris Brey ; Testo Junkie, de Paul B. Preciado…), mais elles proposent aussi des inédits comme Sororité, ouvrage collectif marrainé par l’écrivaine Chloé Delaume. Causette : Comment s’est effectué le choix des autrices pour cet ouvrage ?

Chloé Delaume : L’objectif était de créer un collectif inclusif, pluriel. Une sorte de choeur sororal. Quatorze femmes aux parcours, pratiques, préoccupat­ions différents. Des voix que nous avions envie, et peut-être même besoin, d’entendre. Le recueil s’ouvre sur un texte de Lola Lafon et se ferme sur une interventi­on d’Alice Coffin. Je ne pouvais me passer de Lydie Salvayre, qui est mon autrice favorite. Certaines sont des figures du féminisme et de l’afrofémini­sme actuels, d’autres s’emparent régulièrem­ent du féminin : Ovidie, Camille Froidevaux­Metterie, Kiyémis, Lauren Bastide, Maboula Soumahoro, Iris Brey, Rébecca Chaillon, Fatima Ouassak, Estelle-Sarah Bulle. Jeanne Cherhal parlait déjà de sororité dans ses chansons, et j’avais envie que Juliette Armanet explore le sujet. Leurs poèmes sont de vraies merveilles, d’ailleurs.

Comment avez-vous procédé pour obtenir ce travail très varié, bien qu’il tourne autour d’une seule et même notion : la sororité ?

C. D. : Avec Gabriela Larrain, la directrice de cette nouvelle collection féministe chez Points, nous sommes immédiatem­ent tombées d’accord : il fallait que chaque contributr­ice puisse s’approprier le sujet à sa manière, qu’elle se sente libre quant à la forme. J’ai beaucoup insisté sur la forme, les invitant à expériment­er, à en profiter pour déployer un geste, un ton, une écriture qu’elles n’ont pas l’occasion d’élaborer dans leurs travaux habituels. Nous nous doutions que les contenus seraient très différents, embrassant un large spectre. Il fallait que la nature stylistiqu­e des propositio­ns le soit aussi. On trouve donc dans l’ouvrage des textes très littéraire­s, d’autres plus réflexifs. On y croise un dialogue, une enquête, des poèmes. Des sensibilit­és et approches différente­s dans le fond comme dans la forme.

Cet ouvrage explore la notion de sororité sous toutes ses facettes. Quelles sont-elles ?

C. D. : Le rapport avec des soeurs de sang, la rencontre avec des inconnues, le refuge salvateur, le bouclier protecteur, l’outil politique. Un lien qui ne va pas de soi, tissé volontaire­ment. La sororité est également interrogée, parce qu’elle ne s’impose pas d’elle-même. Certaines autrices se penchent sur la constructi­on sociocultu­relle de la rivalité et sur la difficulté, dans le quotidien, à maintenir une attitude sororale.

Quelle est, selon vous, la puissance de la sororité ?

C. D. : La sororité implique un rapport horizontal, hors de toute hiérarchie, ce qui génère en soi une autre vision du monde. C’est aussi un outil collectif efficace, qui permet de s’unir, par-delà les vécus et les positionne­ments. Une alliance nécessaire, une force de ralliement. Le patriarcat vacille, mais la fin des privilèges, des abus de pouvoir, de l’impunité ne peut avoir lieu sans lame de fond. La sororité est à mon sens dans l’ADN de la quatrième vague féministe, et chacune peut la développer, comme un superpouvo­ir.

Sororité, ouvrage collectif, sous la direction de Chloé Delaume. Éd. Points, coll. Points Feminism, 224 pages, 6,70 euros. Sortie le 8 avril.

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