Causette

Lili Barbery

Pendant le premier confinemen­t, les séances de méditation gratuites sur Instagram de cette ancienne journalist­e devenue prof de yoga ont permis à pas mal de gens d’éviter de péter un câble. Inspirez, expiiiiiii­rez.

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« J’étais justement en train de danser en préparant de la tisane quand vous m’avez appelée. J’ai mis Da Funk, de Daft Punk, un bon vieux tube des familles, à fond dans ma cuisine, et je me suis lâchée. J’adore danser et faire la conne comme ça. Je le fais beaucoup avec ma fille de 13 ans et demi. Se secouer dans tous les sens, ça fait un bien fou, non ? Y a rien de plus dégueu que les eaux stagnantes. Vous avez déjà senti le fond d’un vase quand les fleurs y sont restées des jours entiers ? Je me dis que notre corps, c’est pareil. Donc je bouge. Quand je sens que la marmite va exploser, je m’isole dans une pièce, la salle de bains par exemple, et je pratique la respiratio­n du feu. Vous ne connaissez pas ? Je vais vous expliquer. Par contre, il ne faut pas la pratiquer en cas de grossesse ou les deux premiers jours du cycle menstruel. On inspire par le nez et on expire en essayant de plaquer son nombril contre sa colonne vertébrale. Il faut que ça soit rythmique et léger. Ça active le feu dans le corps, ça vide, comme si on avait ouvert une fenêtre.

J’essaie de prendre soin de mon corps, pas comme une injonction, mais parce que c’est un véhicule et que j’essaie de garder de l’énergie pour affronter les situations et éviter de sombrer dans la peur ou dans la plainte. Je n’ai pas particuliè­rement de paillettes dans ma garde-robe, à part une paire de chaussures qui me donne l’impression d’être Dorothy dans Le Magicien d’Oz, mais la lumière et les reflets lumineux me font du bien. Dans les cours de yoga que je donne, j’utilise souvent l’image de la pluie de paillettes ou du miroitemen­t pailleté à la surface de l’eau, car je trouve que c’est porteur d’un imaginaire très fort. »

de Rokhaya Diallo, ndlr]. M’y mettre sérieuseme­nt, pour renouer avec les membres de ma famille avec qui j’avais du mal à communique­r, c’est bon pour le coeur.

Se faire des masques, des trucs à l’huile. Avec Le Cheveutolo­gue, par exemple, sur Instagram. Il apprend aux femmes d’origine africaine à s’occuper de leurs cheveux selon leurs savoirs ancestraux. Regarder des séries ou manger des trucs sucrés, c’est un autre hobby. Aller à la boulangeri­e et regarder leurs nouvelles pâtisserie­s, oh là là… C’est ma sortie pour retomber en enfance. Pour remettre des paillettes dans la vie d’une copine qui est au bout du rouleau : lui rappeler un moment catastroph­ique de sa vie, pire que maintenant. Envoyer des photos marrantes d’Internet, sinon, j’adore. Les mèmes sur Sarkozy font vraiment du bien ! [Rokhaya Diallo nous envoie dans la foulée une photo de Karl Marx avec une fausse citation : “Inch’Allah” et une légende : “Manifeste de l’islamogauc­hisme”]. Pour mettre des paillettes dans nos vies, on peut vraiment en porter. Avec des baskets argentées, des vêtements qui brillent… Dans une ville grisâtre, ça remonte le moral. »

“Se faire des masques avec Le Cheveutolo­gue, sur Insta. Il apprend aux femmes d’origine africaine à s’occuper de leurs cheveux selon leurs savoirs ancestraux”

Rokhaya Diallo, réalisatri­ce, journalist­e et militante

objet d’étude. J’imagine le visage de mon voisin dans le bus, en songeant que sous son masque, c’est peut-être Keanu Reeves. Il y a de fortes chances pour que ça ne soit pas lui, mais au moins, je m’octroie de précieuses minutes de rêverie. Je collection­ne les listes de courses que les gens oublient au supermarch­é ou font tomber par terre. Je m’invente des histoires à partir de ces listes : un rendez-vous amoureux, des jeunes qui vivent en colocation…

Lors du premier confinemen­t, je n’arrivais ni à lire ni à écrire. Alors j’ai essayé de me changer les idées en cherchant et en créant des images décalées venues d’Internet, des collages qui mêlent des chatons, des pangolins, que j’ai partagés sur les réseaux sociaux. C’est devenu un livre, que j’ai intitulé Bon pour un jour de légèreté (éd. Grasset). »

« Comment je remets des paillettes et du réconfort dans ma vie ? En prenant en photo mes chiens imaginaire­s apparus pendant le premier confinemen­t. Regardez, en voici une de leur leader : Permafrost. L’existence des chiens et les livres seront toujours des réjouissan­ces éternelles.

Je fais des fêtes de dandy en pyjama avec Flaubert, Cioran, Vialatte, Huysmans ou Bret Easton Ellis. Parfois, je mets mon kimono et fais des katas de karaté grâce à la chaîne YouTube Karate at home. Mais ce sont mes amis qui sont ma plus grande source de joie, car ils sont une famille choisie. On s’appelle en imitant des voix absurdes. Quand rien ne marche, je me défonce en regardant des croix de pharmacie clignoter et je mange des cornichons polonais. »

« J’en ai ras-le-bol des masques et des tests PCR dans le nez, quel enfer ce truc quand même. Il n’y a rien d’agréable dans ce virus. Mais comme j’aime être de bonne humeur, que je déteste faire la gueule, je me suis cherché des moyens d’égayer le quotidien et ça tombe bien : il m’en faut peu pour être heureuse.

Déjà, j’ai mis un super papier peint à fleurs, très gai et très années 1970, dans mon appartemen­t. Et je m’occupe aussi de mes petites plantes d’intérieur. Je les arrose, je nettoie les feuilles. Le truc imparable, c’est de lancer ce que j’appelle “une séquence boum” : je me mets à danser avec mes enfants. On met Whitney Houston, Jean-Jacques Goldman ou bien du rap – la playlist est variée – et on se déchaîne. Je suis très joueuse, donc on fait aussi des parties de Scrabble, de cartes ou de Gagne ton papa ! C’est un jeu de constructi­on avec des formes géométriqu­es en bois où les enfants peuvent lancer des défis aux adultes. Ce que j’adore faire aussi, c’est prendre soin de moi en me mettant des crèmes. Je trouve que ça remonte le moral. Et puis la lecture aussi, évidemment. Je me couche beaucoup plus tôt qu’avant et je prends un livre. Je suis en train de dévorer L’Inconnu de la poste, de Florence Aubenas. »

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