Clémentine Mélois
Plasticienne, photographe, écrivaine. Avec son roman-photo, Les Six Fonctions du langage (éd. Seuil) fraîchement publié, elle porte l’humour en bandoulière. Qu’importe le flacon, pourvu qu’elle ait l’ivresse de la création et du détournement.
« J’ai quelques satisfactions imparables : manger des frites – c’est toujours joyeux de manger des frites, non ? –, lire un livre de Jean Echenoz en grignotant quelques biscuits et danser en chaussettes dans mon salon sur Toxic, de Britney Spears. C’est essentiel de garder ses chaussettes pour glisser et onduler correctement.
J’ai toujours eu tendance à regarder la vie avec une forme de détachement et de décalage, en m’attardant sur les détails.
La période actuelle est inquiétante et absurde, donc, au lieu de déprimer, j’en fais un
« J’ai galéré cet hiver, donc je suis aussi destinataire de votre dossier. Pour aller mieux, je pense à… me limer les ongles devant une série télé. Improviser une recette de cuisine, la planter, me dire que c’est une cata, la manger et me dire que c’est bon quand même. Traîner en librairie et acheter des livres. Après avoir vu certains commerces fermés, s’y rendre donne l’impression de faire un geste pirate. Ce sont des petits décalages dans lesquels je trouve une certaine joie de vivre.
Brûler du bois de figuier dans ma cheminée. Ça recrée un peu un hammam. De tous les sens, l’odorat me semble être le plus brut, le moins conscientisé. Le réconfort qu’on peut trouver dans une odeur est chargé d’une dimension primitive. C’est lié à l’enfance. Ça nous cajole. J’aime bien l’idée de hurlements réguliers, sinon. Une fois par heure, on se laisserait aller, comme les cloches des églises, pour évacuer les minutes qui viennent de s’écouler. C’est plus simple que faire du yoga ! On est toujours prêt pour un bon cri. Si l’heure a été bonne, on chante. On se fait un petit yodel suisse. Niveau lecture, soit on lit une bonne grosse tragédie qui fait relativiser, comme L’Autre Moitié du soleil, de Chimamanda Ngozi Adichie. Soit un truc léger et drôle comme Et si l’amour c’était aimer ?, de Fabcaro, ou L’Anomalie, d’Hervé Le Tellier, le Goncourt de cette année. Pas étonnant qu’il se soit si bien vendu : on ressent un plaisir régressif dans les blagues qui s’y trouvent et la sciencefiction complètement folle nous fait sortir du réel. »
“Manger des frites et danser en chaussettes dans mon salon sur ‘Toxic’, de Britney Spears. C’est essentiel de garder ses chaussettes pour glisser et onduler correctement”
Clémentine Mélois, plasticienne, photographe et écrivaine