LIGNES DE FORCE

Catherine Meurisse avait raconté l’après-Charlie dans son sublime album Les Grands Espaces. Elle décrivait comment la beauté lui avait (en partie) sauvé la vie. Quelque temps après, Luz dessinait sa catharsis dans un ouvrage au titre éponyme. Il aura fallu cinq années à Corinne Rey, dite Coco, pour parvenir à mettre en images et en mots son trauma. Le temps de réussir à surnager au-delà de la vague immense – qu’elle représente façon Hokuzaï – de tristesse, de culpabilité, de désespoir face à l’innommable, qui l’a assaillie au lendemain du 7 janvier 2015. Culpabilité du survivant d’autant plus vivace dans son cas, puisque c’est elle qui a été mise en joue par les terroristes, l’obligeant à composer le code d’entrée de l’immeuble et à les mener jusqu’aux locaux de la rédaction. Comment, ensuite, ne pas être envahie par les « et si ? ». Avec Dessiner encore, Coco revient sur le jour de l’attentat, la mobilisation internationale pour la liberté d’expression, le « numéro d’après » dessiné dans la douleur dans les locaux de Libération. Mais aussi « l’interminable enchaînement des enterrements » et puis, bien plus tard, le parcours psy et l’impossibilité à exister normalement. Car, « il y a dans la beauté quelque chose d’insoutenable... ». Mais une fois encore, c’est le dessin qui sauve. Et permet de laisser à la postérité un nouveau témoignage, unique et essentiel. Raconterat-on jamais assez ?

Dessiner encore, de Coco. Éd. Les Arènes BD, 352 pages, 28 euros.