Causette

Fais-moi le coup du risotto

On connaissai­t le coup de la panne, moins celui du riz rond blanc. Pourtant, le risotto est l’un des plats les plus fréquemmen­t cuisinés pour draguer. Quand on décrypte les ressorts inconscien­ts de ce choix, il semble que cette recette italienne soit un v

- Par ALIZÉE VINCENT

D’abord champignon­s,

puis ail-parmesan et, enfin, poireaux-chèvre. Au troisième risotto offert dans un contexte romantique, un radar s’est allumé. Pourquoi ce plat revenait-il si souvent en situation de drague ? Ensuite, ce sont les love stories des autres qui ont confirmé l’idée d’un sujet potentiel. C’était Micheline, qui, lors d’un café entre ami·es, racontait le risotto poire-gorgonzola de son crush, puis Jean-Mich, qui prévoyait une recette au chorizo pour son futur date.

Encore fallait-il vérifier qu’il ne s’agissait pas de simples hasards. Un petit sondage Instagram a permis d’objectiver la théorie. Question : « Vous a-t-on déjà cuisiné un risotto pour vous draguer ou en avez-vous déjà cuisiné au début d’une histoire ? » Réponse : 42 % de « oui » sur 585 abonné·es. Un score qui, s’il n’atteint pas l’unanimité requise au conseil de sécurité de l’ONU, fout sans aucun doute une branlée aux choucroute­s, salade-taboulé et même aux pourtant fédératric­es pâtes au pesto. On tenait quelque chose. L’affaire est devenue 100 % sérieuse quand on s’est mis à voir d’épars hashtags #risotto sur Tinder (oui, oui !). La faute au compte Instagram Orgasme et Moi (et ses quelque 421000 abonné·es). La faute, plus précisémen­t, à une hot story à base de risotto. « Les hot stories sont des histoires enrichissa­ntes que mes abonnés me racontent et proposent de partager avec la communauté », explique Charline, à la tête du compte. Elle partage celle d’un mec relatant un premier rendez-vous particuliè­rement réussi avec une jeune femme, à qui il avait préparé un risotto avec une machine Cookeo. « Le truc est parti en mode boule de neige, retrace Charline, je me suis mise à recevoir des

tonnes d’histoires de drague avec du risotto ! Et Moulinex [qui produit la machine Cookeo, ndlr] a partagé la story. C’était incroyable ! C’est devenu une private joke pour se reconnaîtr­e dans la communauté. » Certain·es ne disent plus « risotto » mais « ris-hot-o ».

Touiller ensemble

Ne manquait plus qu’une contre-expertise scientifiq­ue pour valider l’hypothèse risotto. Causette

a donc interrogé Laura Zavan, cuisinière et autrice culinaire, qui a écrit Mon risotto ! (Marabout, 2009).

« Je n’y avais jamais pensé, mais effectivem­ent, pour l’un de mes premiers rendez-vous avec mon compagnon, je lui ai cuisiné un risotto ! » Cèpes-safran, se souvient-elle. « Il était tout près de moi... Inconsciem­ment, c’était comme une excuse pour qu’on soit proches, car il faut mélanger vingt minutes dans la casserole. L’autre doit donc rester à côté. Ça crée une intimité. »

Notre deuxième spécialist­e : Lucy. Presque trentenair­e, dans la com, elle tient un blog de cuisine et abonde : « Si tu fais un plat qui s’enfourne, il y a une frontière entre le salon, qui est l’espace où le mec t’attend, et la cuisine, où tu fais ton truc. Alors que si le mec est avec toi pendant que tu touilles, c’est une barrière symbolique qui tombe. »

La dispositio­n des corps – debout, en action – permet aussi d’éviter le face-à-face solennel, à se regarder dans le blanc des yeux en redoutant, justement, les blancs. Lucy pousse l’analyse plus loin. « La cuisine est un endroit plus intimiste que le salon. C’est là qu’il y a les contre-soirées avec les conversati­ons profondes. C’est aussi là que les gens qui veulent se choper se mettent à part. » Y amener son crush veut donc dire quelque chose.

Igor, col blanc des institutio­ns bruxellois­es, est un aficionado du risotto amoureux. Le classique vin blancbouil­lon-parmesan-beurre en particulie­r. Il l’a cuisiné

« une fois au lycée puis deux fois pendant [ses] études supérieure­s ». L’appart était tellement petit « qu’il fallait se mettre de biais sur le bureau pour manger à deux », se rappelle-t-il. L’opération touillage, expliquet-il, brise le stress du rendez-vous galant :

« Ça te permet de contrôler ce qu’il se passe. Tu peux demander à l’autre de prendre le relais, plutôt que d’attendre la sonnerie salvatrice du four qui soulage les deux personnes de l’attente. » En cuisinant, on se chauffe déjà un peu, ajoute Laura Zavan. « Entre la louche de bouillon pour mouiller le riz et la gestuelle du mélange… il y a un mouvement sensuel. Le bassin bouge. La texture, elle aussi, est sensuelle, c’est crémeux, onctueux. » (On ne vous fait pas un dessin.) Cette production commune est comme une première forme d’osmose corporelle, préface de la suite espérée de la soirée...

« Ce sont deux corps qui créent ensemble. Et l’amour dans l’air se retrouve dans la production : l’assiette. » D’ailleurs, quand on demande à Lucy et à Igor quel est l’autre plat le plus sexy qu’ils connaissen­t, tous deux répondent « le brunch du lendemain matin, avec les

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