“ÉNERGIQ UEMENT, IL TRAVAILLA MES PARTIES”
Extrait du « Satyricon »*, de Pétrone, pérégrinations de deux jeunes libertins sous le règne de Néron. Trimalcion, esclave affranchi, les invite au banquet. « Donc l’orgie reprend de plus belle, et Quartilla, de nouveau, nous provoque à boire. Le bruit des cymbales réveille la gaîté des convives. Entre alors un danseur, le plus insipide homme du monde. […] Il me souilla d’un immonde baiser, bientôt même il s’assied sur mon lit, et, malgré mes protestations, relève brutalement mes habits. Longtemps et énergiquement il travailla mes parties. Mais en vain. […]
Nous prenons place enfin à la table. Des esclaves égyptiens nous versent sur les mains de l’eau de neige, d’autres suivent qui nous lavent les pieds et nous font les ongles avec une dextérité rare. Et bien loin de s’acquitter en silence de cette fastidieuse besogne, ils s’accompagnaient en chantant. […] Sur le plateau des hors-d’oeuvre était un petit âne en bronze de Corinthe portant un bissac qui contenait des olives d’un côté blanches, de l’autre noires. Il avait sur le dos deux plats d’argent sur le bord desquels était gravé le nom de Trimalcion avec les poids de l’argent. Des surtouts [plateaux richement décorés, ndlr] en forme de ponts supportaient des loirs accommodés avec du miel et des pavots. Il y avait aussi, posées sur un gril d’argent, des saucisses grésillantes et, sous le gril, des prunes de Syrie avec des grains de grenade. […] Alors entrent deux Éthiopiens à la longue chevelure, munis de petites outres comme celles dont se servent ceux qui arrosent l’amphithéâtre. Ils nous versent du vin sur les mains. Quant à de l’eau, personne n’en apporte. On complimenta le maître de céans pour ce raffinement inédit. […] Au son de la musique, quatre danseurs accourent qui enlèvent la partie supérieure du globe. Ceci fait, nous apercevons au-dessous, c’est-à-dire dans l’autre hémisphère, des volailles grasses, un ragoût de tétines de truies et, au beau milieu, un lièvre, si bien orné de plumes qu’il ressemblait à Pégase. […] Se dressaient quatre satyres dont les outres laissaient couler une saumure délicieusement épicée sur des poissons nageant dans cet Euripe de sauce. La valetaille donne le signal des applaudissements, nous suivons le mouvement et nous nous attaquons avec un sourire béat à cette chère délicate. Trimalcion […] ordonna “Coupez”. L’écuyer tranchant avance à l’ordre, et, en gestes cadencés, il divise les viandes au son de la musique, on eût dit le cocher parcourant l’arène au son de l’orgue hydraulique. » * Traduit du latin par Louis de Langle. Éd. Bibliothèque des Curieux, 1923.