“Mes images sont une sorte de food porn premier degré”
Guillaume Blot, 32 ans, se définit comme photographe indépendant passionné par les espaces populaires. Il traîne son appareil et son appétence pour la bouffe dans les relais routiers, les buvettes, les rades et les bars PMU. Et parfois, il conjugue nourriture et nu.
Causette : Qu’est-ce que vous évoque l’expression « food porn » ?
Guillaume Blot : Je vois quelque chose de gras, de coulant et de coloré. Par exemple, un burger qui donne super faim et envie de l’avoir en main. Cette prolifération de photos n’est pas négative : elle multiplie les sources d’inspiration, tant pour cuisiner que pour photographier. J’aime le partage que génère la cuisine. C’est ça qui m’a amené à me former à l’école de cuisine de Thierry Marx, en parallèle de la photo.
Quelle est votre manière de photographier la nourriture ?
G. B. : Mon esthétique repose sur des couleurs flashy et des décors qui
Avoir le cul bordé de nouilles. évoquent le quotidien. J’utilise un flash qui permet de faire ressortir les couleurs, y compris dans des cuisines qui ne sont pas éclairées par la lumière naturelle. Dans la scène que je compose, je trouve un équilibre entre l’épuré – j’élimine les détails pour que l’oeil ne se perde pas – et les petits accidents assumés, qui rendent l’image plus quotidienne et normale. Je ne suis pas contre une trace de sauce ou bien une fourchette qui traîne dans le cadre.
Vous réalisez aussi des mises en scène décalées.
G. B. : Un pan de mon travail vise à décocher un sourire chez la personne qui regarde l’image, soit par la scène en elle-même, soit par le jeu de mots que j’apporte en légende. Je cherche un effet « waouh ! », un pas de côté, qui fait réagir par rapport au culot de certaines situations. Pendant le premier confinement, j’ai commencé une série de clichés avec des mises en scène alliant nudité, nourriture et humour. Ces images sont une sorte de food porn premier degré. Avoir le cul bordé de nouilles est ma préférée. Tout le monde connaît cette expression. Comment la rendre visuelle et esthétique ? Assez vite, j’ai eu cette image dans la tête. J’ai fait cuire et refroidir les pâtes, mon amie s’est déshabillée et allongée sur le drap blanc, qui fait office de nappe. Ça m’a pris sept ou huit minutes de prises de vue. Depuis, l’image a été achetée par un collectionneur.
D’autres images de la série ne reposent pas sur une expression connue.
G. B. : En effet, pour Seinmallows, la légende est un peu plus tirée par les cheveux. Je voulais faire une photo avec des bonbons sur les tétons. J’ai choisi les chamallows qui rappellent la couleur des tétons et évoquent la gourmandise. J’ai eu du mal à trouver la légende, aucun jeu de mots ne m’est venu… Vegan Dick Pic a commencé par une tentative esthétique de jouer avec une ombre sur un drap blanc. Et puis j’ai tenté un truc un peu coquin, en mettant une aubergine sur mon pubis en guise de sexe en érection. C’est un clin d’oeil à l’emoji aubergine et à l’expression dick pic, tous deux régulièrement utilisés dans les messages en ligne. Je prends mon pied à concrétiser des jeux de mots en photo. Et puis mélanger le sexe et la nourriture, c’est une chose qui marche forcément. Je réponds à une certaine demande en m’inscrivant, à ma façon, dans ce courant.