Galerie des glaçantes
Leur carrière terrifiante a tout d’une série, mais rien d’une fiction. Impératrice, aventurière ou mythique princesse, elles ont marqué les esprits des Anciens.
La Sauterelle et les empereurs
Si l’on en croit les auteurs grecs et latins, le poison aurait été l’arme de prédilection des tueuses antiques, à l’image de Locuste, qui vécut à Rome au milieu du Ier siècle de notre ère. On ne sait presque rien d’elle, sinon qu’elle était probablement d’origine gauloise et particulièrement experte dans la connaissance des plantes dangereuses : ciguë, belladone, aconit… Son véritable nom n’est pas connu, Locusta n’étant qu’un sobriquet signifiant « la Sauterelle », un insecte perçu dans l’imaginaire des Ancien·nes comme nuisible et vecteur de mort.
Locuste vivait de la vente des philtres qu’elle concoctait à partir de sa science des herbes. À toutes celles et ceux qui souhaitaient se débarrasser d’un·e proche ou d’un·e ennemi·e, elle fournissait les breuvages mortels dont elle avait le secret. Mais son succès finit par attirer l’attention des autorités romaines. Arrêtée pour ses activités criminelles, l’empoisonneuse en série est condamnée à mort. Elle échappe in extremis à la peine capitale grâce à l’intervention de l’impératrice Agrippine en personne.
Nous sommes en 54, Agrippine veut se débarrasser de son époux, l’empereur Claude, pour mettre son fils Néron sur le trône. Elle prend à son service la Sauterelle, qui a la solution : elle empoisonne un plat de cèpes servi à la victime. Nul ne le sait au juste comment elle s’y est pris. Peut-être avait-elle farci les plus gros champignons de morceaux d’amanites phalloïdes ?
Claude, malade, fait appeler son médecin. Selon la pratique courante, celui-ci plonge une plume dans la gorge de Claude pour le faire régurgiter. Sauf que le médecin est un complice d’Agrippine et que la plume est empoisonnée. Quelques mois plus tard, c’est Néron luimême qui a recours à l’expertise de Locuste. Il lui faut un poison pour éliminer le prince Britannicus, fils de
Claude et concurrent potentiel au trône impérial. Le premier essai de Locuste est infructueux : la dose, trop faible, n’inflige au jeune homme qu’une violente diarrhée. La seconde tentative est la bonne – l’effet du poison aurait été radical, selon l’historien latin Tacite, et Britannicus meurt sur-le-champ. Pour récompenser la Sauterelle, Néron lui offre une belle demeure au milieu d’un vaste domaine. Elle y enseigne l’art de l’empoisonnement aux jeunes filles que l’empereur lui envoie, afin que son extraordinaire savoir soit transmis à une nouvelle génération de tueuses.
Après la mort de Néron en 68, Galba, nouveau maître de Rome, entend montrer au peuple qu’il rompt avec les pratiques de son prédécesseur. Il fait exécuter Locuste après l’avoir exhibée, enchaînée, dans les rues la ville. On ignore ce que sont devenues ses élèves.