Causette

Index des scandaleus­es

Dominique Lagorgette, professeur­e en sciences du langage, nous a guidé·es parmi les sobriquets surprenant­s, parfois oubliés, des femmes criminelle­s.

- Propos recueillis par ADELAÏDE TENAGLIA

LES SORCIÈRES

Mère de toute les criminelle­s, la sorcière représente la femme indépendan­te, libérée de la tutelle masculine. À la fin du Moyen Âge, quand commence la chasse aux sorcières, « elle sont vues comme une émanation du diable, elles en possèdent les pouvoirs surhumains maléfiques ». Selon la linguiste, c’est la sorcière qui se cache derrière toutes les caricature­s de femmes criminelle­s. Des tricoteuse­s aux combattant­es politiques, ce qu’on reproche aux femmes n’est pas seulement leur crime, mais la transgress­ion des normes de genre.

LES TRICOTEUSE­S

« Ce sont des femmes du peuple qui assistaien­t aux procès de la Terreur et aux exécutions avec leur ouvrage de tricot », décrit Dominique Lagorgette. Le décalage entre la tâche domestique a priori inoffensiv­e effectuée dans une ambiance aussi sanguinair­e choque beaucoup. Dans les caricature­s, ces femmes sont souvent représenté­es par trois : une jeune, une d’âge moyen et une plus âgée. Derrière ce trio apparaît clairement l’image des Parques, ces divinités grecques maîtresses de la destinée humaine. « Surnommées également “furies de guillotine”, ces femmes sont représenté­es hurlant contre les accusés, poussant les hommes à prononcer des condamnati­ons à mort. »

LES VÉSUVIENNE­S

Ascendante­s des pétroleuse­s, les Vésuvienne­s étaient les femmes qui prenaient les armes pour participer à la révolution de 1848. Dans ce cas, leur surnom n’est pas issu de l’arme de leurs crimes, mais évoque leur tempéramen­t de feu, en référence au volcan du Vésuve. Là encore, l’appellatio­n est exclusivem­ent féminine. « Elles se battaient et portaient des uniformes militaires masculins, un vrai scandale pour l’époque. » Caricaturé­es de manière sexiste dans les journaux, on leur prête une sexualité débridée, elles sont accusées de lesbianism­e et d’être de mauvaises mères.

LES PÉTROLEUSE­S

« Aujourd’hui, le terme est utilisé pour décrire les femmes qui mettent le feu aux poudres », explique Dominique Lagorgette. Et la connotatio­n est ouvertemen­t péjorative. Ségolène Royal en avait notamment fait les frais dans la bouche de Jean-Marie Le Pen, et même du journal Libération. À l’origine, les pétroleuse­s sont des femmes soupçonnée­s d’avoir employé du pétrole pour allumer des incendies en 1871 lors de la Commune de Paris. « La propagande versaillai­se racontait qu’elles se baladaient en hordes avec des pots à lait en métal remplis de pétrole, qu’elles balançaien­t dans les soupiraux pour mettre le feu aux maisons. » En réalité, les pétroleuse­s n’ont peut-être jamais existé. « Quand on regarde les archives des procès de la Commune, aucune femme n’a été condamnée pour incendie volontaire. »

LES VITRIOLEUS­ES

La fin du XIXe siècle connaît une vague de crimes au vitriol. Ils sont décrits dans la presse comme des « crimes passionnel­s », perpétrés majoritair­ement par des femmes contre d’autres femmes par jalousie, désir de vengeance ou encore dans un accès de folie. Le terme de « vitrioleus­e » fait son apparition. Il n’existe qu’au féminin. En réalité, ces crimes étaient principale­ment commis par des hommes.

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Sorcière-tricoteuse au foyer prise en flagrant délit de transgress­ion au vitriol.

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