Cruellas d’enfer
Maléfiques, vengeresses, torturées, certaines figures des légendes urbaines ou traditionnelles ont en commun d’infliger une très mauvaise publicité à la gent féminine. Un condensé de misogynie que certain·es jugeront cathartique.
Nos représentations sont souvent binaires – la maman et la putain, la femme fragile et la femme fatale, la vierge innocente et la dangereuse nymphomane. « En général, dans les légendes urbaines, les femmes sont plutôt des personnages de victimes, qui subissent la violence des hommes », souligne Eymeric Manzinali, bibliothécaire qui consacre un excellent blog, Spokus.eu, aux légendes urbaines et aux rumeurs qui circulent sur Internet.
Pour le spécialiste, la différence entre légendes urbaine et traditionnelle se joue dans les éléments du récit : dans la première, ils seront modernes ; dans la seconde, ancrée dans un passé lointain, ils puiseront dans la « civilisation traditionnelle », selon les termes du sociologue Jean-Bruno Renard. En tout état de cause, ces histoires contiennent, à des degrés divers, du merveilleux (rattaché au divin dans la légende traditionnelle, et au paranormal dans la légende urbaine) et expriment surtout « les craintes et les obsessions communes d’une société », indique Eymeric Manzinali. Souvent aussi, observe-t-il, elles servent à propager « un avertissement à celles et ceux qui s’écartent du droit chemin de la morale ou prennent des risques. »
Rien d’étonnant, donc, si, loin d’être dépeintes comme d’innocents petits êtres à protéger, les femmes y apparaissent venimeuses et tourmentées, coincées par un sort cruel parfois lié à leur caractère, pour leur faire expier une faute originelle propre au rôle qu’elles n’ont pas su tenir. Revue de légendes choisies.