Causette

Médée la pathétique

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Cette fois, la criminelle n’a pas existé.

Il s’agit de Médée, dont la légende est contée par Euripide, auteur tragique athénien du Ve siècle avant notre ère. La princesse et magicienne Médée, passionném­ent amoureuse de Jason, un héros grec, lui a tout donné. Pour le suivre, elle a quitté son pays, la Colchide (actuelle Géorgie), elle a trahi son père et tué son propre frère. Pourtant, après quelques années de vie commune en Grèce,

Jason l’abandonne pour épouser Créüse, une princesse grecque, un bien meilleur parti.

Médée feint d’accepter son sort afin de mieux préparer sa vengeance. Une vengeance terrible, en deux temps. D’abord, elle envoie un cadeau de mariage à sa rivale : une robe magnifique… qui prend feu aussitôt que Créüse l’a enfilée. La jeune fille se transforme en torche tandis que l’incendie se propage dans toute la maison. Créüse meurt brûlée vive, en même temps que son père et plusieurs invités venus célébrer les noces. Jason réussit à sortir par une fenêtre. Il va à la rencontre de Médée qui l’attend. Elle tient dans ses bras les deux enfants qu’elle a eus de Jason, tout en serrant fermement un couteau bien aiguisé. Sous les yeux de l’homme qu’elle déteste avec autant de passion qu’elle l’aimait jadis, elle poignarde sauvagemen­t les bambins. Puis, abandonnan­t les deux petits cadavres ensanglant­és, elle prend la fuite dans le ciel sur un char ailé. Après un séjour à Athènes, elle rentre en Orient où nul ne sait ce qu’elle est devenue.

Bien sûr, Euripide condamne cet infanticid­e. Cependant, à travers la révolte criminelle de Médée, il dénonce aussi le sort des femmes réduites à l’impuissanc­e dans la société patriarcal­e d’alors. Il érige Médée en porte-parole de revendicat­ions féminines. On remarque aussi que, renonçant aux philtres empoisonné­s ressentis comme féminins, Médée tue ses enfants au moyen d’un couteau, symbole de virilité pour les Grecs. Par le choix même de l’arme du crime, elle signifie ainsi, au grand jour, qu’elle refuse l’insupporta­ble condition de la femme méprisée et rejetée dans l’ombre.

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