Le questionnaire de Woolf Diglee
On ne vous présente plus Diglee ! Illustratrice de talent (le très beau Libres ! avec Ovidie, notamment), autrice de BD et romancière, elle a publié récemment Ressac, un ouvrage sensible et délicat, comme elle, dans lequel elle raconte sa retraite solitaire dans une abbaye bretonne. Causette : Les livres marquants de la « bibliothèque » de vos parents ?
Diglee : Les Armoires vides, d’Annie Ernaux, qui a profondément influencé mon rapport à l’écriture. Les poèmes d’Éluard ensuite, et la biographie de Lou Andreas Salomé par Françoise Giroud, Lou, histoire d’une femme libre, qui a semé en moi la graine de l’éveil féministe.
Les lieux de votre enfance ?
Diglee : Mes maisons, mes jardins, et l’appartement feutré de mes grands-parents maternels.
Avec qui aimeriez-vous entretenir une longue correspondance ?
Diglee : Je le fais déjà : les lettres jouent un rôle capital dans ma vie, et j’ai la chance d’entretenir quelques jolies liaisons épistolaires çà et là avec des ami·es, d’autres écrivaines ou encore des lectrices. Depuis mes 19 ans, je corresponds avec
Amélie Nothomb, par exemple, qui pense à moi chaque année pour mon anniversaire !
Une histoire d’amour avec une personne du même sexe ?
Diglee : Elle s’appelle Héloïse. Je raconte pourquoi je l’aime dans mon livre Ressac 1.
Que faites-vous dans vos périodes de dépression ?
Diglee : Je fais appel à ma thérapeute. Mais, récemment, j’ai tenté autre chose : j’ai tout lâché le temps d’une semaine pour vivre recluse dans une abbaye bretonne. C’est de cette retraite qu’il est question justement dans Ressac.
Que faites-vous dans vos périodes d’excitation ?
Diglee : Dans le meilleur des cas, je crée. J’écris, je dessine.
Votre remède contre la folie ?
Diglee : La solitude.
Vous créez votre maison d’édition. Qui publiez-vous ?
Diglee : Des textes qui me serrent le ventre.
Vous tenez salon. Qui invitez-vous ?
Diglee : Des fantômes ! Anaïs Nin, Colette et George Sand (et Musset, le temps de l’apéritif ). Lou Andreas Salomé et Benoîte Groult. J’inviterais aussi Claude de Burine et Joyce Mansour, des poétesses que je vais mettre en avant dans mon prochain livre, Je serai le feu 2. Et, si j’avais du courage, Marcel Duchamp, mais comme je suis amoureuse de lui depuis mes 17 ans, il ne pourrait que me décevoir...
Le secret d’un couple qui fonctionne ?
Diglee : Pour moi, le miracle ne réside finalement pas tant dans le fait de fonctionner que dans celui d’aimer.
Si vous aviez une seule question à poser à Freud ?
Diglee : « Avez-vous regretté certains de vos écrits ? »
(J’ai lu qu’à la fin de sa vie il souhaitait revenir sur quelquesuns de ses principes, mais qu’il n’en avait pas eu le temps…)
LA chose indispensable à votre liberté ?
Diglee : Mon indépendance financière.
Le deuil dont vous ne vous remettrez jamais ?
Diglee : On se remet toujours. Ça laisse simplement des marques. Un peu comme les quartz fantômes, ces pierres qui, traumatisées, cessent de « pousser » pendant des milliers d’années. Un jour, elles repartent de plus belle, laissant apparaître à travers leur ventre un petit « fantôme », une cristallisation de leur immobilité passagère. Je crois qu’on peut tout à fait vivre avec un fantôme dans le ventre.
Que trouve-t-on de particulier dans votre « chambre à vous » ?
Diglee : Des exemplaires dédicacés de livres d’Anaïs Nin, des reliques et beaucoup de cristaux.
Qu’est-ce qui occupe vos pensées « nuit et jour » ?
Diglee : L’écriture.
Vous démarrez un journal intime. Quelle en est la première phrase ?
Diglee : En très bonne snob, je reprendrais un passage de La Nausée, de Sartre, dans lequel son narrateur dit : « J’écris pour tirer au clair certaines circonstances. » Il me semble que l’écriture ne sert qu’à ça. À tenter d’y voir plus clair (spoiler alert : c’est un leurre, ça ne fonctionne jamais.)
1. Ressac, aux éditions La ville brûle.
2. Je serai le feu, aux éditions La ville brûle, en octobre.