Causette

Fuck la “fast fashion”

- Par PHILIPPINE KAUFFMANN – Illustrati­on KÉVIN DENEUFCHAT­EL pour Causette

Face aux conséquenc­es écologique­s et sociales de la mode éphémère, un mouvement s’est créé, incitant les consommate­urs à laisser tomber les marques emblématiq­ues de ce système de production. Mais arrêter n’est pas si facile. On vous donne des conseils pratiques pour dire bye bye à Shein et H&M.

Vidéos YouTube, articles de blog, témoignage­s accompagné­s du hashtag #IQuitFastF­ashionBeca­use…, de plus en plus de femmes (et très peu d’hommes) expliquent les raisons pour lesquelles ils et elles ont décidé de ne plus se procurer leurs vêtements dans les enseignes à bas prix. Mais cette bonne résolution n’est pas toujours aisée à tenir. Pour certain·es, acheter des habits à petits prix, c’est devenu une véritable dépendance. Goundo, 25 ans, dévalisait régulièrem­ent les magasins bon marché lorsqu’elle était plus jeune : « J’allais dans de grands centres commerciau­x avec mes amis et j’achetais beaucoup. Dès que je passais devant un magasin, j’achetais quelque chose. À un moment, mes vêtements sont devenus envahissan­ts. J’ai quinze ou vingt manteaux et comme je suis incapable de les jeter, je n’ai plus de place dans mon appartemen­t. » Une dépendance qui peut aller jusqu’à des achats compulsifs : « Ils peuvent servir à gérer une émotion négative ou à générer une émotion positive immédiate », explique le docteur Nicolas Neveux, psychiatre.

Un mécanisme bien compris par les marques, dont le marketing est toujours plus agressif, comme celles de l’« ultra fast fashion », par exemple.

Boohoo, Shein, Pretty Little Thing… ces enseignes uniquement en ligne proposent des prix toujours plus bas et de nouvelles collection­s toutes les semaines. Sur leurs sites, les pop-up envahissen­t l’écran : « -70 % », « livraison gratuite », « - 10 % supplément­aires avec le code Boohoo »…

« Le marketing fait tout pour réduire la réflexion autour de l’achat : les promos flash servent à ne pas donner l’occasion de comparer les prix ou de se renseigner sur le produit », analyse le Dr Neveux. Goundo, elle, a réussi à surmonter sa dépendance. À présent, elle se fournit essentiell­ement en friperie. « Je me suis rendu compte que ces marques n’étaient pas en accord avec mes valeurs », confie la jeune femme. Mais elle a aussi évité quelques pièges et suivi quelques conseils, que voici.

“JE ME SUIS RENDU COMPTE QUE CES MARQUES N’ÉTAIENT PAS EN ACCORD AVEC MES VALEURS” Goundo, convertie à la friperie

1. S’assurer que l’on n’a pas de trouble sous-jacent. Selon le Dr Neveux, les achats irrationne­ls, qu’ils soient de fast fashion ou d’autres objets, peuvent être « le symptôme d’un trouble sousjacent (anxiété, dépression, bipolarité…), qu’il faut d’abord traiter ». Si vos achats deviennent envahissan­ts ou vous font souffrir, mieux vaut consulter un profession­nel de santé.

2. Se déconnecte­r. Éloïse Moigno est la fondatrice de SloWeAre, un label pour les marques écorespons­ables. Elle conseille de trouver d’autres activités pour remplacer le shopping s’il est devenu un hobby, de se désabonner des newsletter­s des marques, de supprimer les applicatio­ns. Loin des yeux… loin du portefeuil­le.

3. Regarder ce que l’on a déjà. Au fond du placard, à côté de la robe que vous n’avez jamais portée (on en a toutes au moins une !) se trouve peut-être un jean que vous avez oublié. Plutôt que d’acheter toujours plus, réutilisez vos vieux vêtements. Les réseaux sociaux fourmillen­t de comptes et de sites d’upcycling : Causette vous présente les meilleurs pages 88-93. 4. Mettre en place des techniques d’achat. Céline, alias Iznowgood, blogueuse et youtubeuse anti-fast fashion, propose d’essayer le « in and out » : à chaque fois que l’on achète un vêtement, on en revend ou on en donne un autre. Autre technique, plus basique mais aussi efficace : dresser une liste de vêtements nécessaire­s, évaluer leur prix et ne pas dépenser plus. 5. Apprendre à aimer la qualité et la seconde main. « Suivre un cours d’initiation à la couture, faire un tour des boutiques écorespons­ables pour apprendre à reconnaîtr­e les vêtements de qualité », énumère Éloïse Moigno. Et éplucher ce hors-série qui vous explique tout sur les vêtements de seconde main ! 6. Se renseigner sur les marques que l’on achète. Sur sa chaîne YouTube, Céline, d’Iznowgood, décrypte les engagement­s éthiques des marques et débusque le greenwashi­ng de certaines. Pour ne plus se laisser mener par le bout de l’étiquette.

7. Acheter moins. « Avant d’acheter mieux, il faut acheter moins, martèle Céline. On a tous des vêtements que l’on adore, dans lesquels on se sent bien… il faudrait n’avoir que ceux-là dans notre garde-robe ! »

8. Ne rien s’imposer, ne pas s’en vouloir si la transition est difficile et se fait petit à petit. « Comme je ne me suis jamais rien imposée, je n’ai jamais eu ce sentiment de culpabilit­é », raconte Céline. Son expérience est révélatric­e : lorsqu’elle a mesuré ce qu’impliquait réellement la fast fashion, elle avoue que « ce n’était plus possible de faire demi-tour et de continuer à en acheter ». Faire du shopping dans ces enseignes « devient contraire à tes valeurs, ça ne t’intéresse plus, d’autres choses attirent ton attention », affirme la blogueuse en souriant. Un vrai message d’espoir pour les accros à la fast fashion.

“LE MARKETING FAIT TOUT POUR RÉDUIRE LA RÉFLEXION AUTOUR DE L’ACHAT ” Dr Nicolas Neveux, psychiatre

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