Causette

Portfolio : fringale de fringues

La photograph­e et journalist­e Léonor Lumineau creuse depuis longtemps le sillon des sujets environnem­entaux. Les ravages occasionné­s par l’industrie textile, elle connaît. Pourtant, elle a été surprise par son propre dressing qui contenait… un véritable m

- Porpos recueillis par ISABELLE MOTROT – Photos LÉONOR LUMINEAU

Causette :

Votre portfolio s’intitule « Fashion Monsters ». Ce monstre de mode, il vous est apparu un peu par hasard ?

Léonor Lumineau : Il a surgi pendant le premier confinemen­t, alors que je faisais du tri dans mon armoire. J’ai été hallucinée par le nombre de vêtements que j’avais, par rapport à ceux que je porte réellement. Je suis pourtant tout à fait consciente des ravages de la fast fashion, je ne supporte plus de mettre les pieds dans les magasins qui la propagent. Voir ces milliers d’habits qui n’ont pas vraiment d’utilité me provoque quasiment des crises d’angoisse. J’achète majoritair­ement de la seconde main. Et malgré tout, c’était consternan­t, mais il y avait bien cet énorme tas de fringues sur mon lit.

L’idée de cette créature de textiles s’est-elle imposée immédiatem­ent ?

L. L. : Quand j’ai vu cet amas de vêtements, je me suis sentie un peu honteuse et… un peu monstrueus­e. J’ai cherché un moyen d’utiliser cette figure du monstre pour susciter un petit déclic qui déclencher­ait une prise de conscience. De manière ludique et pas accusatric­e, puisque nous sommes tous et toutes en partie responsabl­es. Le monstre peut être à la fois rigolo,

comme dans des histoires pour enfant, mais il peut aussi être épouvantab­le. Un peu comme notre façon de consommer les vêtements.

Vous avez mis en place un véritable protocole pour fabriquer ces personnage­s ?

L. L. : Soit cette idée fonctionna­it, soit c’était un échec total. J’ai eu quelques moments de stress ! J’ai finalement mis au point un processus pour effectuer la prise de vue et mettre au point des légendes. D’abord, avec la personne qui me reçoit, on sort tous les habits de l’armoire, on en met sur le lit et dans la chambre. On crée le monstre, on fait la photo, et ensuite, au moment de ranger, on compte un à un, catégorie par catégorie, tous les vêtements. C’est le décompte indiqué dans les légendes. Tout ça prend plusieurs heures.

Les « portraitur­é·es » ont-ils et elles bien pris votre propositio­n ?

L. L. : Oui, tous et toutes étaient volontaire­s et intéressé·es par la démarche. Une chose à laquelle je ne m’attendais pas, c’est que ces tas de vêtements sur leur lit leur provoquaie­nt souvent exactement la même surprise et le petit sentiment de culpabilit­é que j’avais eu moi-même devant le nombre de fringues. Ils et elles en ont profité pour faire du tri, et beaucoup m’ont dit ensuite que leur consommati­on avait baissé !

Léonor Lumineau continue le projet Fashion Monsters. Elle recherche de nouveaux·elles volontaire­s pour se faire tirer le portrait en monstres de la mode ! La contacter via Instagram (@leonorlumi­neau).

Thomas, 34 pantalons, 53 T-shirts ou chemises, 17 pulls, 15 vestes, un nombre incalculab­le de chaussette­s.

 ??  ?? Élodie, 56 paires de chaussures, 54 robes, 116 tee-shirts ou hauts, 29 shorts ou jupes, 45 pulls ou gilets, 44 pantalons, 16 manteaux ou vestes, 6 chapeaux, 33 sacs.
Élodie, 56 paires de chaussures, 54 robes, 116 tee-shirts ou hauts, 29 shorts ou jupes, 45 pulls ou gilets, 44 pantalons, 16 manteaux ou vestes, 6 chapeaux, 33 sacs.
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 ??  ?? Judith, 78 robes, 26 pulls, 62 paires de chaussures, 30 tee-shirts, 15 pantalons, 30 jupes.
Judith, 78 robes, 26 pulls, 62 paires de chaussures, 30 tee-shirts, 15 pantalons, 30 jupes.
 ??  ?? Lorris, 20 pulls, 60 tee-shirts et chemises, 10 vestes, 16 pantalons, 10 paires de chaussures, 4 déguisemen­ts et 6 gros sacs de vêtements récemment donnés à une associatio­n.
Lorris, 20 pulls, 60 tee-shirts et chemises, 10 vestes, 16 pantalons, 10 paires de chaussures, 4 déguisemen­ts et 6 gros sacs de vêtements récemment donnés à une associatio­n.
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 ??  ?? Caroline, 50 hauts, 35 paires de chaussures, 34 pantalons, 26 pulls, 23 robes, 18 jupes, 16 manteaux et vestes, 12 combinaiso­ns, 12 chapeaux, 5 paires de lunettes de soleil.
Caroline, 50 hauts, 35 paires de chaussures, 34 pantalons, 26 pulls, 23 robes, 18 jupes, 16 manteaux et vestes, 12 combinaiso­ns, 12 chapeaux, 5 paires de lunettes de soleil.

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