LAUREN BASTIDE
JOURNALISTE ET AUTRICE
« J’avais 16 ans. C’était un de mes tout premiers rapports sexuels. Je n’avais pas de contraception, pas de suivi gynécologique. Mais j’ai eu le réflexe d’aller au Planning familial demander la pilule du lendemain. Je faisais ça dans le dos de mes parents, je me sentais hyper coupable. Quelques heures après, je l’ai vomie. Donc je suis retournée à la maternité, et on m’a envoyé bouler : “C’est normal, rentrez chez vous.” Un mois plus tard, je n’avais toujours pas mes règles. Quand j’ai vu le test positif, je me suis effondrée. J’avais très honte. J’ai fini par en parler à une amie, dont la mère militait au Planning. C’est elle qui m’a expliqué comment ça se passait. Mais à l’époque, j’étais obligée de le dire à mes parents, car j’étais mineure. Donc j’en ai parlé à ma mère. Ça n’a pas été facile.
J’ai fait une IVG médicamenteuse, à l’hôpital. Je me souviens que c’était très glauque, et que j’ai passé mon bac de français avec les chutes du Niagara de sang dans ma culotte. Je me sentais sale, je me sentais seule. J’avais le sentiment que je faisais quelque chose de mal, que j’étais super déviante.
Après, j’ai ressenti un grand soulagement et je suis passée à autre chose. C’est étrange, d’ailleurs, de voir à quel point j’ai mis ça de côté. Ce n’est que très récemment que j’ai pris la mesure de ce que ça avait représenté dans mon histoire. Et je me rends compte que c’est un sujet qui revient peu dans les conversations entre femmes. J’ai été moi-même surprise de ma propre difficulté à vous le raconter. Mais je crois que c’est important d’en parler à la première personne, et pas seulement sur le plan théorique. » ●