Causette

Alice 15 ans

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“C’est plus difficile de se faire entendre quand on est une femme”

Alice

“En tant que femme, il faut faire de très grandes actions pour être reconnue et marquer les mémoires”

Maïlis

« C’est plus dur de faire de la politique quand on est une femme, car ça a longtemps été un métier d’homme. C’est comme si les femmes n’avaient toujours pas le droit de faire de la politique. On devrait être anonyme dans la politique. On devrait voter pour des idées, sans réfléchir si elles sont portées par un homme ou une femme. Le fait que ce soit une femme qui porte une idée est parfois mal vu, mais j’entends plus parler des idées portées par des femmes politiques. J’ai moins retenu des actes forts portés par des hommes. Emmanuel Macron, je ne sais pas trop ce qu’il a changé par exemple, ni ce qu’il nous a apporté en tant que président. J’ai l’impression que les femmes font davantage bouger les choses que les hommes, par exemple sur le droit à l’avortement et l’égalité hommes-femmes. Grâce à la bande dessinée Culottées de Pénélope Bagieu [éd. Gallimard], je connais des femmes qui ont changé beaucoup de choses, comme Simone Veil.

Le problème, c’est que c’est plus difficile de se faire entendre quand on est une femme. Un jour, j’ai regardé les débats à l’Assemblée nationale lorsque les députés discutaien­t de lois. Une femme s’est exprimée et le lendemain, ma mère m’a expliqué que les journaux parlaient plus de sa robe que de son discours. Je trouve ça injuste. Les femmes se font marcher dessus, car les hommes sont plus nombreux et se soutiennen­t entre eux. Parfois, les hommes sont frustrés que les femmes aient de meilleures idées qu’eux ! Mais elles se battent, elles ne lâchent pas l’affaire. Je ne pourrais pas faire ça, il faut un gros mental pour défendre ses idées face à des hommes âgés. »

« Je pense que cette question ne devrait pas se poser : les hommes et les femmes devraient être jugés pour leur travail, leur parti, leurs positions plutôt que pour leur sexe. Ça ne devrait pas faire une différence dans ce métier. Mais on est dans une société patriarcal­e gouvernée par les hommes, donc on fait une différence. Les hommes et les femmes sont éduqués différemme­nt : c’est ancré profondéme­nt, même si on essaie de se déconstrui­re. Donc la société est faite d’êtres qui ne sont pas assujettis aux mêmes règles. Et donc en politique, c’est pareil : les femmes et les hommes sont vus différemme­nt, un gouffre social les sépare. Par exemple, les hommes vont se permettre des réflexions, des jugements sur les femmes, qu’ils ne permettrai­ent pas sur des hommes. Ils ne vont pas considérer les femmes comme leurs égales et ils se reconnaiss­ent davantage dans leurs adversaire­s masculins.

Les femmes sont moins représenté­es en politique, elles ont donc moins d’exemples pour se lancer. Elles sont moins présentes, moins visibles, moins connues, car elles ont moins accès au pouvoir. Elles doivent redoubler d’efforts face à leur concurrenc­e masculine, elles ont plus de bâtons dans les roues. Les noms des hommes politiques restent dans la tête des Français. Je peux citer Manuel Valls, François Mitterrand, Charles de Gaulle, Éric Zemmour ou le maire de ma ville. En tant que femme, il faut faire de très grandes actions pour être reconnue et marquer les mémoires. Les noms de femmes politiques qui me viennent en tête sont Marine Le Pen, Rachida Dati, Christiane Taubira, Simone Veil et Kamala Harris. Pour être un grand homme ou une grande femme politique, il faut de la déterminat­ion, un sang-froid, un certain tempéramen­t, une prestance, une culture. Une femme peut tout à fait avoir ces qualités ! »

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