Causette

Hypocrisie à toute blinde

- Emma Gomez

Quel est le meilleur moyen pour un pays de redorer son image catastroph­ique en matière de droits des femmes ? L’Arabie saoudite semble avoir trouvé la solution.

À Djedda, ville de départ du rallye Dakar 2022, soixante femmes porteront un casque de pilote. Grâce à elles, peut-être oublierons-nous que, non loin du parcours, s’élève la prison de Riyad où a été enfermée la militante Loujain Al-Hathloul jusqu’à sa libération en février 2021. Elle avait été arrêtée en 2018 alors qu’elle luttait pour que les femmes saoudienne­s obtiennent l’autorisati­on de passer le permis de conduire. Une croisade qui a porté ses fruits, puisque ce droit leur a finalement été accordé la même année.

Mais, ironie du sort, Loujain Al-Hathloul est restée, elle, emprisonné­e pendant plus de deux ans et demi, en vertu d’une loi « antiterror­iste ». Et si, aujourd’hui, les femmes peuvent conduire, elles doivent tout de même débourser davantage que les hommes pour passer leur permis…

Cela dit, peut-être devrions-nous nous réjouir de voir ces soixante femmes – parmi lesquelles certaines intégreron­t l’un des trois équipages entièremen­t féminins – concourir avec les 1005 autres participan­ts… masculins. Un chiffre en hausse si on le compare à l’année précédente, puisqu’elles représente­nt 5,6 % des participan­t·es en 2022 contre 2,9 % en 2021... Et parmi elles, pas l’ombre d’une Saoudienne ! Vous nous direz, c’est logique qu’elles ne soient pas encore championne­s de rallye, vu le temps qu’on leur a laissé pour apprendre à passer les vitesses.

C’est la troisième année d’affilée que le rallye Dakar traverse ce royaume qui continue d’opprimer ses citoyens et plus particuliè­rement ses citoyennes, mais qui utilise régulièrem­ent les compétitio­ns sportives pour se racheter une image. Le sport, quel formidable levier diplomatiq­ue quand on opprime les femmes ! ●

Les yeux rivés sur l’écran et les pouces qui s’agitent frénétique­ment dessus. Voilà à quoi ressemble un·e « smombie ». À Séoul, ces « zombies », tellement obsédé·es par leur smartphone qu’ils et elles ne peuvent en décoller leurs yeux, sont légion et provoquent de nombreux accidents de la route. Car rien ne les arrête. Ni les feux rouges ni les voitures.

C’est pourquoi la capitale sudcoréenn­e entend bien tout faire pour les protéger… finalement, d’eux et elles-mêmes. La ville avait déjà mis en place un système d’alerte qui envoie une notificati­on aux téléphones des chalands traversant au rouge. Ainsi qu’une caméra, ironiqueme­nt baptisée « Troisième OEil », que les utilisateu­r·rices se fixent sur le front et qui émet un bip pour les avertir du danger.

Mais ce n’était visiblemen­t pas assez. Alors, les intersecti­ons de Séoul ont été équipées de LED installées à même le sol et qui deviennent vertes lorsqu’on peut traverser. Ne plus pouvoir se passer de son smartphone au point de se mettre en danger, cela porte un nom. La nomophobie. Et il semble bien que ce soit le mal du siècle. ●

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