TOUS ACCROS À JULIET BERTO
C’est ce que l’on appelle un film « culte ». Sorti en salles il y a quarante ans, Neige nous revient en version restaurée : l’occasion de vérifier à quel point son aura, un peu blême et rêveuse, est unique. De quoi largement nous faire décoller de nouveau. Attention, quand bien même la « neige » du titre désigne une drogue – l’héroïne – en argot (vieilli), il n’a jamais été question pour ce faux thriller français d’en faire l’apologie. Ni même de jouer la carte du film de genre shooté à l’action ou à la violence. Certes, l’on y voit dealers et policiers s’affronter tout au long d’un récit noctambule et flâneur. Mais sa substance – et son charme – sont ailleurs.
D’abord, il y a son terrain de jeu. Neige déroule son intrigue prétexte entre Pigalle, Anvers, Barbès, La Goutte-d’Or, Montmartre ou Belleville, et ce sont bien ces quartiers chauds du Paris de 1981 qui stupéfient en premier lieu. Parce qu’ils sont filmés de façon directe, toujours dans le mouvement et la vie. Et parce qu’ils donnent à voir une diversité – de visages, de cultures, de personnages – rarement montrée dans le cinéma hexagonal des années 1970-1980 (à peine davantage en 2021).
Les personnages, justement, parlons-en ! Pas de héros, mais une constellation de perdants magnifiques (et de seconds rôles épatants) qui gravitent autour d’Anita, barmaid lunatique. C’est elle, au fond, la véritable héroïne de Neige… D’autant plus qu’elle est interprétée par Juliet Berto, brune égérie de la Nouvelle Vague, et, surtout, coscénariste et coréalisatrice avec Jean-Henri Roger de cette première oeuvre si attachante.
En clair, elle les rend tous accros. ●